ROBERT Jeanne
Auteur de la fiche : Elsa Défontaines d’après La France résistante, Histoire de héros ordinaires
Jeanne ROBERT
RESEAU : Victoire – Castelnau sur l’Auvignon (Gers)
Jeanne Robert est née le 11 août 1914 à Hasnon dans le Nord. Son père René dirige la scierie transmise par son beau-père. Sa mère, Marguerite est couturière. Durant son enfance, Jeanne Robert reçoit une éducation stricte et fondée sur le civisme et le respect de l’autre, non seulement chez elle mais dès l’âge de douze ans aussi en pension à Gondecourt. C’est à cette éducation remplie de morale et de civisme, qu’elle reproduira plus tard avec ses élèves et à son amour de la France que Jeanne Robert doit son engagement « naturel » dans la Résistance dès le tout début de l’Occupation.
Au printemps de 1940, les troupes nazies envahissent le pays ch’timi. Jeanne et une proche amie sont alors emportées par l’exode. Toutefois elles sont vite bloquées par l’avance allemande et décident de rebrousser chemin.
L’Occupant ayant décrété leur département « zone interdite », la surveillance y est plus accrue qu’ailleurs ce qui leur cause quelques difficultés à rentrer chez elles. Cependant elles réussissent à obtenir un Ausweis à la Kommandantur d’Arras et rejoignent Loos Lez Lille.
Comme de beaucoup de Nordistes qui sont nombreux à rejeter la présence des Allemands, Jeanne entre rapidement en Résistance. Profitant de sa qualité de jeune veuve, qui la laisse plus libre de ses actes, elle coopère avec son cousin, Léon Degand, commis principal à la gare SNCF de Lille qui a pour principale mission d’organiser la fuite de soldats français et anglais coincés dans cette zone.
Jeanne Robert est également en relation avec un imprimeur d’Arras, Maurice Rouneau alias « Albert », qui monte un réseau de renseignements, qu’elle loge, alors qu’il est recherché par la Gestapo et avant qu’il ne gagne Pau en zone libre. En juin 1941, c’est au tour de Jeanne d’être obligée de filer en douce. Attendue par la Gestapo à la sortie de son école mais prévenue par la directrice, elle parvient à se mettre hors d’atteinte de cette dernière et rejoint précipitamment son cousin Degand qui organise sa fuite par sa filière habituelle. Jeanne voyage en compagnie d’une autre jeune femme dont elle ignore l’identité et à qui elle ne pose pas de question, pour des raisons évidentes de sécurité. Une fois à Paris, elle prend le premier train pour Orthez dans les Pyrénées Atlantiques, mais en zone occupée d’où, avec l’aide d’une autre réfugiée du Nord, elle rejoint la zone libre. De là elle part pour le Gers, où elle trouve une place d’enseignante dans une classe unique à Castelnau-sur-l’Auvignon, petit village près de Condom. Maurice Rouneau se rapproche de Jeanne en s’installant sur Agen et lui rend visite régulièrement. Ensemble, ils tâtent le terrain et guettent les sympathisants, qui sont nombreux, tant le village est animé d’un esprit de résistance. C’est ainsi que patiemment et prudemment, ils créent en collaboration avec le maire de Castelnau, le réseau Victoire dont ils réussissent à étendre les ramifications à toute la région, dans le Gers, la Haute-Garonne, le Lot-et-Garonne, les Landes, les Basses-Pyrénées, les Hautes-Pyrénées et la Gironde. Les recrues sont militaires, employés municipaux, élus locaux, enseignants, facteurs, réfugiés d’Alsace-Lorraine, employés du ravitaillement…Le 22 novembre 1942, Victoire est rattaché aux réseaux Buckmaster suite à la visite chez « Albert » d’un envoyé de Londres, George Starr alias « Gaston » ou « colonel Hilaire ». Jeanne présente l’espion aux villageois comme un ingénieur belge ne supportant plus la vie difficile de là-haut. Il loge chez le maire et installe son bureau chez Jeanne, qui accueille dans son petit appartement des « visiteurs » parachutés dans la région, agents du S.O.E principalement. Malgré toutes les tâches qui lui incombent en temps qu’hôtesse, son travail d’institutrice ne pâtit pas de ses activités clandestines. Elle se fait parfois seconder par « le colonel Hilaire » qui adore cirer les chaussures. Lorsqu’elle dispose de plusieurs jours de congés, Jeanne part en vélo à Castetis où elle récupère le courrier apporté de Dax par Maurice Calvinhac, alias « le Gamin ». Hélas durant l’été 1943, une série d’arrestations décime les agents de Victoire, comme celle de Maurice Jacob, directeur du Service des réfugiés d’Alsace-Lorraine et de l’adjudant Ferdinand Gaucher, pris alors qu’il transporte un appareil radio à La Réole.
Mais cela ne s’arrête pas là. Le 17 octobre 1943, « Albert » ainsi qu’un couple de Résistants, Pierre Duffoir du S.O.E, sa femme Paulette et leur fille de 12 ans dînent chez Jeanne Robert. A 23h quelqu’un frappe à la porte et les prévient qu’ils sont en grand danger, la Gestapo recherchant activement une institutrice du Nord, grande et blonde qu’elle ne devrait pas tarder à localiser. Il faut partir immédiatement. « Hilaire » suggère à Jeanne de rejoindre l’Angleterre au plus vite où elle serait plus utile qu’en France où elle est grillée.
Dès le 18 octobre 1943, « Albert » et Jeanne enfourchent leurs bicyclettes et commencent leur périple via l’Espagne qui les conduira jusqu’en Angleterre. Le passage de la frontière franco-espagnole est très éprouvant, il faut marcher dans la neige et résister à des vents violents et glacials, avancé dans un cauchemar, épuisés, sans visibilité, craignant de s’être perdu. Après une traversée mouvementée de l’Espagne, ils arrivent deux mois plus tard à Gibraltar où ils célébreront le réveillon de Noël avant de s’embarquer le 29 décembre 1943 à bord d’un Dakota de la R.A.F pour l’Angleterre.
Enceinte des suites de sa nuit à Gibraltar avec « Albert », Jeanne quitte Londres pour se mettre à l’abri des attaques des V1 et part dans le Surrey où naît sa fille, Michèle le 21 septembre 1944.
Castelnau-sur-l’Auvignon fut totalement rasé par les Allemands au moment de sa Libération et reçut la Croix de Guerre avec étoile de vermeil