VOGEL Jean "Lucien"

Musée de l'Homme

Auteur de la fiche : Manuel VALLS-VICENTE et Juliette RACHMAN

VOGEL Jean


Résistant de la première heure, Jean Vogel est né le 26 novembre 1891 à Paris. Caporal au cours de la première guerre mondiale, il se distingue par son courage face au feu ennemi. Blessé, il obtient la Croix de Guerre. Artisan fourreur, il réside au 48 rue Saint-Martin à Soissons (Aisne). Soldat en 1940, il participe à des actions de résistance dès le mois de juillet 1940 puis rejoint dès sa création le mouvement clandestin « La Vérité Française », fondé le 1er septembre 1940 par le docteur Lafaye et Jean de Launoy. Ce groupe se rattache quelque temps plus tard au réseau dit du Musée de l’Homme par l’intermédiaire du colonel Dutheil de la Rochère. Germaine Tillion homologuera ainsi officiellement « La Vérité Française » auprès du groupe du musée de l’Homme dès la Libération.

Plusieurs équipes de « La Vérité Française » entrent rapidement en action dès le début de l’occupation :

  • A Paris et Versailles, les dirigeants sont le comte Jehan de Launoy (inspecteur d’assurance) Julien Lafaye et Georges Holstein (vétérinaires), Louis Mandin (poète), Charles Dutheil de la Rochère, Pierre Stumm et le père Guilhaire.
  • A Soissons, Jean Vogel est accompagné de Daniel Douay, Paul de Launoy et d’Henri-Clotaire Descamps (capitaine de gendarmerie). Une réelle diversité socio-professionnelle caractérise les membres composant l’antenne soissonnaise de « La Vérité Française ». Elle se compose d’industriels, d’artisans et commerçants, d’employés du secteur privé, de fonctionnaires de l’état et d’un cultivateur

Outre l’édition et la distribution d’un journal clandestin au nom du mouvement, les activités du groupe sont très diverses et visent à favoriser la Résistance sous toutes ses formes : accueil  et aide de prisonniers de guerre anglais et français évadés, passage de ces derniers en zone libre, cache de réfractaires, organisation de dépôts d’armes (en particulier à Soissons), transmission de renseignements au B.C.R.A. Ce sont les dominicains de la rue de la Glacière qui fournissent l’argent nécessaire à la mise en route du journal. Le premier exemplaire dactylographié du journal est distribué au cours du mois de septembre 1940. Au total, 32 numéros paraîtront.

En août 1941, le jeune Belge Jacques Desoubrie, agent double chargé par les Allemands d’infiltrer les organisations de résistance, se rend au domicile de la famille Vogel, Jean étant l’un des responsables du groupe de Soissons de « La Vérité Française ». Muni du mot de passe fourni par les Allemands il gagne rapidement la confiance de la famille, se présentant comme évadé d’une prison allemande, et traqué par la Gestapo. Hébergé quelques jours par Germaine et Jean Vogel, il est mis en rapport avec Lucien Douay, chef du Réseau « La Vérité Française » pour Soissons, qui le conduit auprès du responsable parisien, Jehan de Launoy. Celui-ci fait de Desoubrie son secrétaire particulier, poste de choix qui va lui permettre de connaître tous les détails de l’organisation. Il est chargé plus précisément de la diffusion du journal et de divers tracts, ainsi que de la liaison entre les différents membres du groupe à Paris. Il se rend également régulièrement à Soissons auprès de M. Douay et assiste à plusieurs réunions.

Au cours de l’une de ses réunions, se tenant durant un déjeuner donné chez les Vogel, il apprend certains détails capitaux quant au fonctionnement du réseau. En effet, chaque jour, le traître Desoubrie note scrupuleusement tous les renseignements qu’il peut recueillir, consigne des noms, des adresses, des faits précis et constitue sur le compte de chaque résistant un dossier accablant.

Jean Vogel II

Le 25 novembre 1941, au moment où les Allemands pensent ne plus rien ignorer de l’organisation, 80 arrestations sont opérées tant à Paris qu’à Soissons par la Police Allemande. Incarcéré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) avec sa femme et ses camarades, le procès de Jean Vogel – dont l’instruction a été continuellement secrète – se déroule du 15 avril au 30 mai 1942 au tribunal militaire allemand de la rue Boissy-d’Anglas.

Il est alors jugé et condamné à mort par le tribunal du Gross Paris pour « aide à l’ennemi », terme recouvrant la participation à des réunions gaullistes, la fabrication de fausses cartes d’identité et l’hébergement et l’aide à l’évasion de 26 prisonniers de guerre anglais et français. Il est exécuté le 27 octobre 1942 à 16 heures au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVème arrondissement), ainsi que ses compagnons : le commandant Coqueugniot, le Comte Jehan de Launoy, Pierre Stumm de Paris, Lucien Douay, et Émile Louys (vous pouvez lire ici la lettre rédigée par Jehan de Launoy  à son épouse Thérèse, quelques heures avant sont exécution). Signalons que les avocats français n’eurent pas le droit de plaider et que des défenseurs allemands furent désignés d’office. Plus encore, le dossier des condamnés à mort fut soumis à Hitler car celui-ci se réservait l’examen et la confirmation des jugements dans lesquels étaient impliqués des officiers de l’Armée française.

Sa femme, Germaine Vogel, est condamnée à deux ans de prison. Bénéficiant d’une grâce exceptionnelle, elle est libérée le 22 octobre 1942, quelques jours avant l’exécution de son mari. Le 11 novembre 1943, elle expose dans la vitrine de son magasin les photographies de son mari et de ses camarades fusillés, entourés de fleurs tricolores portant la mention « Mort pour la France ». Immédiatement arrêtée par l’occupant, elle est de nouveau emprisonnée plusieurs mois jusqu’à son départ en déportation, sans jugement, le 4 février 1944. Déportée à Ravensbrück, elle rentrera en France à la fin de la guerre. Sa fille, Jeanne Vogel, sera quant à elle incarcérée à plusieurs reprises par l’occupant.

Plusieurs membres Soissonnais de « La Vérité Française » connurent également un sort  funeste, puisqu’entre juin 1943 et janvier 1945, Louis Mandin, La Rochère, Georges Holstein et Julien Lafaye moururent au bagne prussien de Sonnenburg. Le 5 décembre 1943, Henri Descamps, Maurice Moreau, André Meurgue et le père Guilhaire  furent guillotinés à la Prison de Sonnenburg. Quant à Jacques Desoubrie, impliqué dans plusieurs affaires de dénonciations, il fut jugé en 1947 par la cour de justice de la Seine qui le condamna à mort.


Jean Voguel fut homologué comme appartenant au F.F.C le 30 mai 1952 en qualité de chargé de mission de 2ème classe (grade d’assimilation correspondant à Lieutenant)