DEFFIEUX Jean

CND (Confrérie Notre-Dame) Castille

Auteur de la fiche : Yves Marinelli

Jean DEFFIEUX

L’amitié dont le docteur Jean DEFFIEUX m’honorait, l’affection que tous ses frères de misère, les déportés, lui portent, le respect qui a toujours entouré ce Résistant de la première heure me soutiennent dans cet ultime hommages des Déportés, des Résistants du réseau CND Castille à leur Président et des Décorés de la Légion d’Honneur au péril de leur vie à leur camarade de combat, commandeur de la Légion d’Honneur. Après 87 ans d’une vie si pleine, si riche, si profondément marquée par son dévouement constant aux autres, notre ami n’a pas survécu à la deuxième opération consécutive à une chute dans sa maison d’Eliçaberry.

 

II appartiendra à la Confrérie Notre Dame de Castille de rappeler comment, sous la direction du Colonel Rémy à partir de janvier 1941, Jean, étudiant en médecine, seul d’abord puis dès octobre 1941 aidé par sa future épouse Henriette, pris une part importante dans l’activité de renseignement du réseau. Au début de 1944, la Gestapo mit un terme aux activités résistantes de ce jeune couple marié depuis 4 mois. Alors commençât l’épreuve que nous avons tous connue : la détention et les terribles interrogatoires du Fort du Hâ, puis la déportation, pour Henriette à Ravensbrück, pour Jean à Neuengamme.

 

Nous étions environ 700, en grande majorité français, envoyés dans ce grand camp de concentration à Fallersleben pour y créer un Kommando d’esclaves au profit des gigantesques usines Volkswagen. Sous les coups des SS., nous faisions un travail de construction très pénible. Le froid, la faim, les plaies mirent rapidement en danger de mort les détenus. A l’infirmerie, les compétences de notre futur docteur, sa disponibilité lui valurent l’estime de tous ses camarades et même de certains allemands qui avaient du faire appel à lui. Devant l’avance alliée, il tenta de faire comprendre à nos gardiens que leur intérêt était de nous maintenir sur place plutôt que d’entreprendre une évacuation à coup sûr mortelle pour beaucoup d’entre nous. Malgré cela, l’intervention de la Gestapo locale précipita notre départ. Un quart d’entre nous mourut dans les wagons de marchandises où nous avions été enfermés pendant 8 jours. Lorsque nous fûmes jetés dans le camp mouroir de Wobbelin, le typhus, l’absence de nourriture et d’eau plus encore que les coups multiplièrent les morts que nous n’avions même plus la force d’entasser. Dans l’infirmerie privée de tous médicament, Jean et un docteur belge n’avaient que leur humanité pour accompagner les mourants. Dans une ultime tentative pour échapper à l’étau des Soviétiques et des Occidentaux, les SS. décidèrent de charger tous les survivants sur un train de wagons découverts partant vers la Baltique. Jean et son confrère obtinrent des SS l’autorisation de rester sur place avec les moribonds de l’infirmerie. L’aviation alliée détruisit la locomotive. Les survivants revinrent au camp où nous fûmes libérés par les américains. A l’opposé de certains médecins pressés de rentrer, Jean resta sur place pour aider ses camarades lors de l’évacuation vers l’ouest. Nous ne l’avons jamais oublié. Seule la maladie empêche, aujourd’hui, les survivants d’être tous présents ici. C’est en leur nom que j’exprime notre reconnaissance à Jean.

 

Jean retrouva Henriette rescapée elle aussi des camps de la mort. Il acheva ses études de médecine. Adjoint dès 1948 au sanatorium de Clairvive près de Périgueux, il continua à soigner de nombreux déportés atteints de tuberculose dont certains de notre groupe. Son dévouement et son expérience lui valurent de prendre la direction de ce sanatorium jusqu’à sa retraite.

Entouré par les siens et d’un grand cercle d’amis conquis par l’affection chaleureuse de leur couple, la retraite de Jean ne pouvait cependant être inactive. Malgré la disparition récente , si cruelle, de son fils, il eut toujours à coeur d’assurer la liaison avec les anciens déportés du camp de Neuengamme dont il était le vice-président, ceux de notre Kommando de Fallers dont il a jusqu’à ses derniers jours maintenu la cohésion par les réunions annuelles qu’il préparait toujours. Il a agi de même au profit des Résistants d ND Castille, des Décorés au péril de leur vie, des FFL dont il fut président départemental et du Comité du Concours de la Résistance et de la Déportation.

 

Je me fais l’interprète de ses nombreux amis, aujourd’hui si tristes, pour dire à Henriette, à Evelyne et à tous ses proches que nous partageons leur profonde douleur. Le souvenir de Jean sera toujours associé dans ma mémoire à son dévouement, à sa chaude et fidèle amitié.