VICO Jacques
Auteur de la fiche : René Joffres
Jacques VICO
Notre Ami Jacques VICO
Combattant Volontaire de la Résistance
Vice-Président d’Honneur de la Fondation de la Résistance
Exceptionnel « PASSEUR de MEMOIRE
nous a quittés ce matin du 5 août 2012
Ses obsèques ont eu lieu le jeudi 9 août 2012
Au mois de juin 1940, alors que les troupes françaises repliées dans l’ouest ajoutent au désarroi d’une population civile soudainement démultipliée par l’afflux de plusieurs milliers de réfugiés en quête de sécurité, les mesures draconiennes imposées par la Wehrmacht, précédées des innombrables actions psychologiques de la « cinquième colonne » et notamment du leurre, longtemps entretenu, de « l’indépendance bretonne » sèment le doute et ajoutent au désespoir provoqué par la défaite.
Dans cet environnement chaotique de l’été 1940, Jacques VICO, alors âgé de 17 ans, passe avec succès les épreuves du Baccalauréat, à la session de septembre.
Pour Jacques Vico, résister est pour lui : « refuser la défaite, refuser la présence des Allemands, refuser de se laisser séduire par la force, l’ordre, la discipline, refuser le système de Vichy et Pétain avec ses discours larmoyants et moralisants, refuser le nazisme ».
Choqués par la débâcle de l’armée française et influencés par la stratégie dite du « réduit Breton » (un temps envisagée par Paul Reynaud) Jacques Vico et ses frères, Francis et Jean-Marie, recherchent le moyen de joindre ce supposé « lieu de combat. »
Le moment de désillusion passé, Jacques Vico se rapproche des Jeunesses catholiques J.O.C., J.E.C., J.A.C. et participe à l’aide aux réfugiés, en liaison avec la Croix Rouge. Cette assistance s’étend aux militaires français prisonniers, internés dans la caserne du 43ième Régiment d’Artillerie. C’est ainsi que des liens se nouent aussi avec des mouvements laïque.
L’Esprit de Résistance d’abord sous-jacent, s’affirme de jours en jours d’avantage et progressivement se structure ; les fréquentations de l’étudiant Jacques VICO avec des militants engagés, l’amènent à côtoyer de futurs chefs de réseaux tel que Raymond SIMON, responsable du Patronage Saint Julien, (qui deviendra, lors de sa création en 1943, un responsable local de « Résistance Fer ») ou Daniel Fontaine, Hélène Prunier et bien d’autres.
Au sein de ce noyau : informations, mouvements de troupes, tracts et autres actions de l’occupant sont collectés pour une transmission de plus en plus canalisée.
La recherche de l’action militaire pousse, en avril 1942, Jacques Vico à franchir la « ligne de démarcation » et souscrire un engagement dans l’ « Armée d’Armistice », dans le Tarn-et-Garonne, à Montauban.
En novembre 1942, l’ « Armée d’armistice » est dissoute. Jacques Vico revient à Caen après avoir reçu une instruction militaire. Il retrouve certaines de ses connaissances dont les liens avec la Résistance, enfin structurée, l’amènent au contact du Colonel Kaskoureff (allias « Belaire ») et, par la suite, avec Courtois et Riquet, ( abattus en 1943 par les Allemands).
Passionné par le dressage des chevaux, Jacques Vico effectue un stage à l’Ecole d’Equitation de Fontainebleau, et bénéficie d’un statut qui justifie la délivrance d’un « ausweis » n°112, le 2 juin 1943, ce qui facilite ses déplacements dans l’ouest de la France occupée.
Le 16 décembre 1943, l’arrestation de son père – Roland Vico – (il sera déporté à Mauthausen) et de Riquet, amène les membres du réseau O.C.M. du Colonel Kaskoreff à évacuer l’important dépôt d’arme (situé dans les soubassements de l’Abbaye d’Ardenne, proche du domicile de ses parents). Le lendemain, en tout début de la matinée, la Gestapo – sous les ordres d’Albert – se présente au domicile de la famille Vico pour perquisitionner.
Le 22 décembre 1943, Madame Francine Vico – sa mère – est arrêtée par la Gestapo et emprisonnée à Caen (elle sera libérée en avril 1944).
Devant une situation, devenue intenable en raison des rafles répétitives de grande ampleur, Jacques Vico quitte la région et sous le nom de Joseph Vitran, travaille chez un agriculteur dans le département d’Eure et Loir, près de Nogent-le-Rotrou.
Dès l’annonce du « débarquement », Jacques Vico revient à Caen et entre en relation avec Léonard Gille et son équipe de Résistants.
Le 18 juillet 1944 il participe avec la Compagnie F.F.I. « Scamaroni » à la libération de Caen et, avec une trentaine de camarades, rejoint le « Bataillon de renfort de la 2ième D.B. » à Juilley, près d’Avranche. Il participe avec cette unité aux combats libérateurs jusqu’au plus profond de l’Allemagne.
De retour à la vie à la vie civile, Jacques Vico, travaille à Bayeux, au Ministère de la reconstruction, puis au Syndicat de la reconstruction des Boulangers de France et, enfin, Directeur de l’Assedic de Basse-Normandie qu’il dirige pendant 29 ans, jusqu’à son départ en retraite.
Pendant toutes ces années, il continue son rôle social au sein des Comités des Jeunes de l’O.M.J. (Office Municipal de la Jeunesse), près de Foyers de Jeunes Travailleurs, de la Maison des Jeunes de la Maladrerie, dans le scoutisme et aussi en tant que Juge pour Enfants.
Lors des événements d’Algérie, rappelé au service actif, « il a su préserver l’honneur de l’Armée en s’opposant à des pratiques qui lui paraissaient ignobles » ; il garde de cette période une profonde amertume.
Président de l’Union Départementale du Calvados des Combattant Volontaires de la Résistance, Jacques Vico est, jusqu’en 2005, Vice-Président de la Confédération Nationale
des Combattants Volontaires de la Résistance et, à cette date, devient Vice-président d’Honneur de la Fondation de la Résistance.
Son action au sein du « Comité d’Action de la Résistance » porte témoigne de son intelligence au service des idéaux de Paix et de Liberté.
Pour jacques Vico, le conflit mondial 1939-1945 diffère des guerres 1870 et 1914 en ce que la recherche de l’ « espace vital » – annexion ou reprise par la force de territoires convoités – se trouve dominée par des projets terrifiants, conçus et mis en œuvre par les nazis, visant à imposer la puissance redoutable de l’Etat National-Socialiste.
C’est pourquoi, après la libération, la défense des valeurs de la Résistance sera son combat le plus déterminé. Infatigable « passeur de mémoire », tout particulièrement avec les jeunes, inlassablement, il a porté, lors de ses interventions, l’expression de son engagement pour la Liberté et la Mémoire des victimes du nazi.
Pour Jacques Vico, le Concours National de la Résistance et de la Déportation, est le meilleur support d’une mémoire active à destination des jeunes, de ce que fut l’Histoire de la Résistance. Ce concours unique en son genre s’appuie ainsi sur des témoignages des acteurs de cette période qui rappellent notamment l’origine de leurs engagements et les valeurs qui les sous-tendaient : le refus de la défaite, le refus de l’occupation, le refus de la collaboration et la volonté d’agir en obéissant aux exigences de sa conscience afin que le France retrouve son indépendance et la démocratie.
Ce concours amène également les candidats à réfléchir sur le monde d’aujourd’hui en leur faisant comprendre qu’ils appartiendront bientôt, à une communauté civique dans laquelle ils auront un rôle actif à jouer. Les jeunes comprennent tout ce que la Résistance a apporté à la société actuelle. Après avoir écouté les témoignages de Résistants, ils s’interrogent sur ce qu’ils auraient pu faire mais aussi et surtout sur la façon dont ils peuvent agir aujourd’hui pour bâtir la société de demain. Ils transposent la valeur de la Résistance dans le monde d’aujourd’hui. C’est un formidable outil qui contribue à l’éducation civique des jeunes, loin des formes d’expression scolaires traditionnelles.
A partir de 1989, Jacques Vico a commencé à travailler avec le Mémorial de Caen qui, à l’époque, se dénommait « le Musée mémorial de la bataille de Normandie – Musée pour la Paix ». Jacques Vico faisait partie du Conseil d’Administration qui comptait deux administrateurs issue de la Résistance, et participait donc au projet d’élaboration muséographique. Tout de suite, il a été recherché à associer cette nouvelle structure à la préparation du Concours national de la Résistance et de la Déportation.
Président de l’Union Départementale des Combattants Volontaires de la Résistance, Jaques Vico, a constitué un Comité d’Organisation et d’Animation du Concours National de la Résistance et de la Déportation, regroupant des Résistants et des Déportés et, avec l’appui du Mémorial de Caen, qui mettait à leur disposition des locaux et des moyens techniques, ils ont organisé, dès 1990, des forums d’une journée sur le thème du Concours. La matinée, les élèves étaient répartis en environ 25 groupes de 10 qui allaient d’atelier pédagogique en atelier pédagogique où, à chaque fois, ils pouvaient dialoguer avec un ou deux témoins.
L’après-midi, les élèves assistaient à une conférence-discussion à laquelle ont participé d’année en année :Lucie Aubrac, Robert Marcault déporté à Auschwitz à l’âge de 12 ans, Violette Jacquet membre de l’orchestre d’Auschwitz, Jacqueline Péry d’Alincourt du secrétariat Jean Moulin, Yvette Lundy Résistante Déportée de la Marne, Bob Shéppard officier britannique du S.O.E..
A partir de 1993, sur le même principe a été organisé : un forum à Vire qui a réuni 440 élèves, à Lisieux avec 220 élèves présents et à Caen où ont été rassemblées 800 personnes dans l’amphithéâtre principal de l’Université.
Compte tenu du nombre de plus en plus limité de témoins ces actions se sont traduites par des interventions dans des Lycées et Collèges du Calvados et parfois dans d’autres départements.
Le 6 juin 2004, lors de la Cérémonie officielle Internationale d’Arromanches, Jacques Vico s’adressait, « au nom de la Résistance », aux participants :
Résistants, Résistantes, les exigences de votre conscience ont motivé votre engagement !
Le nazisme a pu broyer vos vies. Mais vous Résistants & Résistantes d’Europe, avec tous vos Alliés, vous avez porté vos nations jusqu’à la Victoire de la Liberté !
De votre combat a jailli la Démocratie et l’Europe de l’Espérance.
Aujourd’hui, nous sommes passeurs de Mémoire et d’Espoir.
Hier, jeunesse fauchée, aujourd’hui jeunesse ferment, d’Espérance et de Renouveau, car l’Esprit et les valeurs de la Résistance sont Eternels et Universels.
Ensemble, partageons aussi la souffrance de ces populations meurtries, par cette immense lutte, il y a soixante ans.
Le 24 août 2012