Bénédite Daniel
Auteur de la fiche : Jean-Marie Guillon - Sources : Varian Fry, Surrender on demand, New York, Random House, 1945 (rééd. Johnson Books, 1997), trad. française La Liste noire, Plon, 1999, puis « Livrer sur demande… ». Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis (Marseille, 1940-1941), Marseille, Agone, 2008. Patrick Cabanel, Histoire des Justes en France, Armand Colin, 2012.
Daniel Bénédite
Né, Ungemacht) allemand dans une famille d’industriels, petit-fils du maire de Strasbourg désigné en 1919, il entre, après une scolarité à l’École alsacienne (où Stéphane Hessel fait partie de sa troupe d’éclaireurs unionistes) et des études de lettres et philosophie à la Sorbonne, au cabinet du préfet de police de Paris en 1934 et y reste jusqu’à sa mobilisation en 1939. Militant à la SFIO depuis 1931, marqué par l’abandon de la République espagnole, il suit Marceau Pivert au PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan) en juin 1938. Agent de liaison près de l’armée britannique en France entre 1939 et 1940, rescapé de la poche de Dunkerque, il est démobilisé en Lozère.
Refusant de regagner Paris, il trouve refuge à Marseille où son amie Mary Jayne Gold le met en contact avec Varian Fry, dont il devient le bras droit à partir d’octobre 1940. Administrant le Comité américain de secours (CAS) qui vient en aide aux intellectuels et artistes antinazis réfugiés en France, il prend la suite de Fry, expulsé par Vichy en septembre 1941. Avec ses collaborateurs et son épouse d’origine anglaise, Théodora Prins, il continue à organiser des départs de réfugiés, légaux ou non, ou à aider ceux qui ne peuvent partir. Il a expliqué plus tard qu’il rédigeait deux types de rapports, les officiels, mensongers, à destination de la préfecture régionale et du comité de patronage du CAS, et les officieux, véridiques, à destination de Fry, qui les recevait dans des tubes de dentifrice, et dans lesquels il ne cachait rien des faux, corruptions et trafics en tout genre auxquels l’action de sauvetage le conduisait à recourir. « En somme, je m’accordais fort bien d’un état de contestation permanente, comme beaucoup de protestants qui se réfèrent à leur conscience au lieu de se conformer aux lois, aux règlements, aux critères édictés ou invoqués par un régime détestable » (La Filière marseillaise, p. 272-273). Interpellé à plusieurs reprises, il est défendu par Gaston Defferre. Sa dernière arrestation en juin 1942, liée à la chute d’un groupe trotskiste, s’accompagne de la fermeture du CAS.
Déjà en contact avec les services secrets britanniques, il participe avec ses amis à un réseau de renseignement américain, puis au réseau gaulliste Tartane à Antibes. Il diffuse aussi Franc-Tireur en liaison avec l’équipe lyonnaise qui rédige ce journal clandestin. S’étant initié au bûcheronnage auprès de réfugiés catalans, il dirige un grand chantier forestier dans le Haut-Var (forêt du Pélenc, communes de Régusse et Moissac-Bellevue). Abritant des réfractaires au STO, des juifs, des républicains catalans et espagnols, le chantier est intégré à la Résistance locale grâce à ses contacts avec des officiers de l’ex-armée d’armistice, membres de l’Organisation de résistance de l’armée (ORA). Il reçoit un parachutage d’armes le 10 mai 1944. Arrêté par les Allemands, huit jours après, pour détention de faux papiers, Daniel Bénédite – il a désormais opté pour le nom de sa mère – est emprisonné à Brignoles, Draguignan, puis Marseille, où il est libéré par les FFI le 16 août. Revenu dans le Var, il est nommé adjoint au commandant FFI de l’arrondissement de Draguignan.
Son épouse, Theodora Bénédite, née Prins, dite Theo (Gale, Ceylan, 1909-Valréas, Vaucluse, 1995) est de nationalité britannique. Elle est étroitement associée à son action. Leur fils Pierre, âgé de deux ans, est à Marseille avec eux à la villa Air-Bel, avant de partir aux États-Unis avec sa grand-mère paternelle en 1941. Il ne rejoindra ses parents qu’après la fin de la guerre. Leur fille, Caroline, naît en 1942 et reste avec Daniel et Theo tout au long de la période.
De retour à Paris, il devient administrateur du journal Franc-Tireur. Ayant repris contact avec Fry, il écrit ses souvenirs qui ne seront publiés partiellement que bien plus tard en 1984, sous le titre La filière marseillaise. Il participe à la création du Rassemblement démocratique révolutionnaire en 1948. En 1955, il assure la direction commerciale de la Guilde internationale du disque. Séparé de sa première épouse, il s’est remarié avec Hélène Podliasky, une rescapée de Ravensbruck. Atteint d’une grave maladie, il se donne la mort le 15 octobre 1990.
Publication : Daniel Bénédite, La filière marseillaise. Un chemin vers la liberté sous l’occupation, Paris, Clancier Guénaud, 1984 ; Id., « Le Centre américain de secours après le départ de Varian Fry », Revue Agone, n° 38-39, Villes et résistances sociales, 2008, p. 255-277 (http://revueagone.revues.org/225).