Boudaliez Anne Marie
Auteur de la fiche : Jean-Claude Bourgeois
Anne Marie BOUDALIEZ
Née à Peillac (56) le 17 juillet 1920, Anne-Marie BOUDALIEZ n’aura pas eu le bonheur de connaître son père qui meurt le 22 août des suites de ses blessures de guerre.
Pupille de la Nation, elle arrive à Redon en 1924. Avec sa mère et ses grands-parents maternels, M. et Mme Émile WISSEL, elle emménage à Mil’Oustal, la maison que ce dernier fait construire en 1933 à Beaumont sur les hauteurs au nord de la ville de Redon.
Dès l’avènement d’Hitler en 1933 Anne-Marie est déjà très sensibilisée : la déclaration de guerre ne la surprendra donc pas.
En juin 1939, elle passe son Baccalauréat à Redon. En novembre elle entre à la Fac d’anglais à Rennes. Elle prend une chambre chez M. REBILLON, professeur de science et d’histoire à la Fac. Immédiatement, elle sympathise avec sa voisine de banc, Ursule KWIATKOSKA, réfugiée polonaise et fille d’un membre du gouvernement en exil.
Les Allemands occupent Redon à partir du 22 juin 1940. Anne-Marie entend l’appel lancé par de GAULLE le 22 juin:
« … L’honneur, le bon sens, l’intérêt supérieur de la patrie commandent à tous les Français libres de continuer le combat là où ils seront et comme ils pourront… »
A Redon, à la demande de Renée DUMAREAU, leur professeur de Philosophie, son amie Marie-Thérèse SILLARD compte les trains depuis la fenêtre de sa chambre.
A Rennes, avec quelques camarades étudiants, Anne-Marie forme un petit groupe convivial qui se réunit très souvent au Café de I’Europe 1. On y discute en anglais, ce qui en France occupée n’est pas neutre. Le groupe s’approprie le nom de « La Petite Académie » en résonance à une émission de « Radio Londres aux Français ».
Premiers gestes de Résistance, dès janvier 1940, ce petit groupe trace à la craie des croix de Lorraine et sème des petits papiers hostiles à l’occupant. Le 25 mai 1941 Anne-Marie reçoit une lettre d’un soldat Anglais qui lui indique qu’il existe des canaux utiles pour obtenir des renseignements. Le 30 elle en fait part à ses camarades étudiants Marcel JACQ et Yvon ROY. Elle aura aussi contact avec Louis LECORVAISIER alias « Yves » et Aristide SICOT alias « Jeannette ».
Anne-Marie n’en continue pas moins avec assiduité ses études et en octobre 1942, année où les ouvriers requis partent pour I’Allemagne, elle obtient une licence-es-lettres. Le 26 décembre 1942 les Allemands « visitent » Mil’Oustal et réquisitionnent deux chambres à l’étage depuis lesquelles ils peuvent exercer une surveillance sur la ville et la zone des marais avec aussi une possible activité radio.
Eté 43, deux officiers allemands occupent Mil’Oustal, l’un rentre ivre continuellement.
Le 14 juillet 1943, en réponse à l’appel de de Gaulle Anne-Marie s’était habillée en tricolore.
Le 14 juillet 1943, avec quelques citoyens courageux elle récidive et participe à un défilé silencieux cours Bertrand à Redon. Après celui du 29 mai à Rennes, le 16 septembre, un effroyable bombardement atteint Nantes. Du 14 au 30 septembre, 3 soldats et 4 officiers des Services Spéciaux allemands équipés de postes émetteurs s’installent à Mil’ Oustal.
Le 6 novembre 1943, Anne-Marie passe son diplôme d’études supérieures. Elle retrouve Marcel JACQ et Yvon ROY qu’elle n’a pas revus depuis juin. Marcel JACQ se réfugie chez Félix JOUAN à Bédée pour se soustraire au STO.
Le 11 décembre 1943, elle reçoit un télégramme de Marcel JACQ qui lui demande de se rendre à Rennes le soir-même à 22 heures. C’est à ce moment qu’Avenue Maginot, dans une maison peu éloignée du Thabor, elle rencontre » Paul » Erwin DEMAN le chef du Réseau d’évasion VAR qui lui déclare que le Réseau est » brûlé » à Rennes et qu’il cherche à se replier sur Redon. Elle y rencontre aussi » Danielle » une très jeune Résistante de 17 ans membre de l’équipe de base du Réseau.
Le lendemain, dimanche 12, Anne-Marie retrouve au Thabor sa fidèle amie redonnaise Marie-Thérèse SILLARD étudiante aux Beaux-Arts. Elle lui demande si sa famille peut loger un agent.
Le 13 Anne-Marie rentre à Redon par le train. Raymond LANGARD alias » Gilbert » le Radio du Réseau l’accompagne ainsi que Marcel JACQ qui porte la valise où se trouve le poste émetteur. « Gilbert » Ioge chez la famille SILLARD Place St Sauveur. Le poste trouve place à Mil’ Oustal où « Gilbert » commence les émissions le 14 décembre sans en parler à Marie-Thérèse Sillard. Entre les émissions, la radio est dissimulée dans une cache aménagée sous les ardoises du toit.
» Paul » arrive à Mil’Oustalle 27 et va y loger ainsi que MarcelJACQ. Les émissions se feront tous les 2 jours, difficilement, du 1au 8 janvier puis du 15 au 21. Anne-Marie participe au décodage.
Le 19 janvier Anne-Marie se rend à Quimper afin de récupérer » Danielle » qui s’y trouve en danger.
Lors de l’évacuation d’urgence de Ia maison qui les abrite, » Danielle » s’est blessée en sautant par une fenêtre avec d’autres membres du Réseau. Au cours de son retour par le train avec » Danielle « , Anne-Marie croise Yvon ROY en route pour être évacué. A Redon elle confie « Danielle » à la famille COTTIN dont l’une des filles, Émilienne, est très engagée au Front National et avec Alfred LEROUX alias « François » un collègue instituteur responsable départemental du Mouvement depuis 1941.
Le 21 janvier, « Paul » rate son départ pour I’Angleterre.
Le 12 février un poste-émetteur plus puissant largué sur Allaire (10 km au sud de Redon) tombe aux mains des Allemands.
Le 13 février à 5h du matin le poste actif à Mil’Oustal est transféré à la maison de Gaston SEBILLEAU où il va émettre sous la surveillance extérieure de Marie-Thérèse SILLARD. Un officier nazi menace de brûler Mil’ Oustal.
Février-Mars « Paul » est de retour à Mil’Oustal. Le 24 mars Madeleine BROUTIN, amie d’Anne-Marie, vient à Mil’Oustal à la rencontre de « Paul » qui réclame des adresses sur Paris.
Le 31 mars, Marcel DEPLANTAY, voisin d’Anne-Marie et responsable local du Réseau Action et de l’Armée Secrète, est arrêté à son domicile.
En avril 44, GOTTLIEB, Autrichien et officier de I’armée allemande occupe une chambre à Mil’Oustal. Sur le secteur de Redon suite aux dénonciations, notamment par un agent de la Résistance locale pris, les arrestations se poursuivent et se multiplient : DEPLANTAY, SILLARD… et beaucoup d’autres encore, ils seront près d’une quarantaine.
Le 29 mai, Angèle DEPLANTAY est arrêtée. Le 9 juin Marcel JACQ passe à Mil’Oustal, il arrive de Bordeaux.
Le 26 juin, en pleine émission, « Gilbert » est arrêté Bd Suchet à Paris en compagnie de son assistant Fernand CADIO. lls seront déportés le 15 août 44. lls mourront à 1 jour d’intervalle, « Gilbert » le 3 février 45 à Dora et Cadio le 4 à Elrich.
Le 26, Marcel JACQ repasse très brièvement par Mil’Oustal, triste et inquiet il recommande aux BOUDALIEZ de se cacher.
Le 29, Charles SILLARD est arrêté. Déporté par le « Train de Langeais » il mourra au camp de Hamburg, annexe de Neuengamme. Sorties peu avant l’arrivée de la Gestapo pour faire des courses, son épouse et sa fille, Marie-Thérèse, échappent à l’arrestation. Cependant, revenue peu après, Marie-Thérèse se précipite vers son père arrêté. Elle est sommée d’accompagner la Gestapo pour la fouille de sa chambre. lls ne découvriront rien, pas même les nouveaux papiers de « Gilbert » cachés dans un livre d’Art.
A Beaumont, GOTTLIEB anti-nazi totalement opposé à la guerre, recommande à Anne-Marie et à sa mère de s’éloigner et de se cacher.
Le 30 juin elles se réfugient à Courée dans la cabane aux chèvres de la famille RACLOTE. Jusqu’au 3 août GOTTLIEB assure le lien entre elles et les grands-parents WISSEL restés à Mil’Oustal. Grâce à GOTTLIEB, Anne-Marie échappera à l’arrestation et à la déportation mais aussi aux Russes blancs.
Le 9 juillet vers 14h30, à Viroflay où le Réseau VAR pourchassé s’est déplacé » Gilbert « , Marcel JACQ, Fernand CADI0 et Georges BOURDAIS alias » Jo » seront arrêtés, ils mourront en déportation. Ginette COURTOIS alias » Danielle » arrêtée le jour de ses 18 ans sera déportée à Ravensbrück dont elle reviendra très malade. Elle est à ce jour, très vraisemblablement la seule survivante.
En 1945, Anne-Marie rejoint à Paris son amie Madeleine BROUTIN et travaille en tant que traductrice pour les Américains puis au Mont Valérien pour la revue de Presse de I’Assemblée Nationale.
En 1948, elle est invitée par » Paul » aux jeux olympiques de Londres. En 1949 admissible à I’agrégation d’Anglais elle est nommée à Lorient (Dupuy de Lome) puis en 1972 à Redon (Collège Bellevue) où elle termine sa carrière d’enseignante en 1980. En 1960 elle adopte Emmanuelle.
Une Grande Dame très discrète nous a quittés. Puisse-t-elle demeurer un Phare pour les jeunes générations. Ses obsèques et son inhumation ont eu lieu en l’Abbatiale de Redon le mercredi 1,4 janvier2OtS.
1 – Anne-Marie BOUDALIEZ aurait pu y rencontrer une jeune fille de son âge, Marie-José Wilborts, plus connue ensuite sous le nom de Marie-Jo CHOMBART de LAWE qui à l’automne 1941 se réunissait aussi à cet endroit, et au Café de la Paix, avec ses camarades étudiants.
Anne-Marie BOUDALIEZ , Madeleine BROUTIN, Marie-Thérèse SILLARD