DEBON André

Auteur de la fiche : Elsa Défontaines, d’après La France résistante, histoire de héros ordinaires.

André DEBON

Qui connaît la mission Helmsman, qui participa activement à la réussite de la trouée de Marigny le 25 juillet 1944 et à la percée d’Avranches le 30 ? Elle resta, hélas, dans l’indifférence générale. André Debon avait alors 22 ans. André Debon est né le 5 août 1922 à Saint-Laurent-de-Cuves, une commune de la Manche à 20 km d’Avranches. Ses parents exploitent une propriété importante pour l’époque. André vit une enfance heureuse et animée dans une ferme bas-normande entouré des nombreuses personnes logeant à la ferme. A l’automne 1940, jeune instituteur, il prend son premier poste à Gathemo où il fait la connaissance d’ouvriers travaillant dans une carrière de granit et tous syndiqués à la CGT. Ils militent également au Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France. Durant l’été 1941 ce réseau coupe la ligne téléphonique militaire reliant Brest à Berlin. En représailles, l’occupant oblige tous les hommes valides de 20 à 65 ans à monter la garde près de la ligne. Convoqué pour cette mission, André Debon hésite avant de s’y plier et y rencontre finalement un granitier déjà actif dans la Résistance. André Debon est déjà persuadé de la nécessité de chasser du pays les soldats d’Hitler si arrogants vis-à-vis de la population.  De plus ses lectures sur le nazisme et la situation politique de l’Allemagne avant la guerre l’ont convaincu de leur nuisance. En octobre 1941, il est muté dans la commune voisine de Sourdeval où il intègre le Front national. Son travail consiste à écrire des tracts, des journaux contrant la propagande pro-allemande et détruisant l’image de bon Français véhiculée par le Maréchal Pétain. Les distributions de tracts ont lieu chaque mois durant une nuit sans lune et par temps sec. La concentration importante d’Allemands dans cette région rend la plus grande prudence indispensable et la répression est féroce. En juin 1942, alors qu’il se trouve en classe, André Debon est prévenu qu’il doit fuir au plus vite. Il dit au revoir à ses élèves monte dans sa chambre et 15 minutes plus tard, part à vélo et rejoint Paris. Il loue une chambre sous un faux nom dans le 5ème arrondissement qu’il quitte après quelques mois pour retourner chez sa mère après que la police a arrêté de l’importuner. C’est à ce moment qu’il intègre le groupe de Brecey, à sept kilomètres de Saint-Laurent-de-Cuves. En liaison avec Léon Pinel, alias « Jules », responsable départemental du Front national, il va intensifier l’action de renseignement. En août 1943 il fait la connaissance d’un comptable de la région parisienne, réfractaire au STO, Michel Tauzin. Ce dernier une fois convaincu de rejoindre la Résistance, va être d’une grande utilité en raison de sa familiarité avec les machines à écrire, ronéos et stencils et surtout grâce à son bon coup de plume.

Devant faire face à un problème de place pour l’installation du matériel, André Debon creuse un trou dans sa propriété qu’il aménage en cachette pour le matériel compromettant. Cette cachette permet d’irriguer le sud de la Manche en tracts et journaux. Cela dit elle ne restera pas utilisée jusqu’à la Libération par crainte d’une indiscrétion du voisinage. Ainsi il faudra déménager à la janvier 1944 vers des lieux plus tranquilles. Jusqu’à la Libération deux valises pleines étaient produites par semaine. A l’approche du Débarquement allié, Michel Tauzin se charge d’écouter quotidiennement la BBC et de guetter des messages, pour pouvoir savoir la date du Débarquement et ainsi entrer en action.

Le 1er juin, le premier prévient que le Débarquement doit avoir lieu dans les 15 jours : « l’heure des combats viendra ».

Le 2 juin, le deuxième précise que le Débarquement est proche : « les sanglots longs des violons de l’automne… » complété par la fin du vers de Verlaine le 5 juin « …blessent mon cœur d’une langueur monotone. » annonce l’imminence du Débarquement.

Ces messages codés s’accompagnent d’autres déclenchant le « plan violet » destiné à couper les communications téléphoniques allemandes et le « plan vert » qui concerne la mise hors service des voies de chemin de fer.  Le rôle joué par la Résistance dans le succès de l’opération Overlord est incommensurable et hélas oubliée de la mémoire collective. Composée d’agriculteurs, d’instituteurs, de forgerons, de charpentiers, de cheminots, de fonctionnaires, cette armée des ombres normande va apporter une aide précieuse aux Alliés.

Action de démoralisation, destruction de moyens de communication comme la ligne téléphoniques Brest-Berlin qui pâtit encore des actes de Debon et ses camarades et est désormais inutilisable. Ailleurs d’autres équipes cisaillent d’autres lignes, sabotent les lignes de chemins de fer faisant prendre des retards désastreux aux compagnies de renforts de la Wehrmacht qui sont obligées d’utiliser des moyens de transports des plus hétéroclites (tombereaux, voitures tirées par des chevaux…) et vont même jusqu’à bloquer la 77ème SS Panzer, division de Gotz von Berlichingen basée près de Thouars, au nord de Poitiers. Le 12 juin, Debon est transféré de Brecey à Saint-Hilaire-du-Harcouët.

En juillet 1944, la profession des Alliés est bloquée et commence alors la « guerre des haies ». Le bocage se transforme en pièges meurtriers. Le général Bradley, commandant les forces américaines et manquant de renseignement sur les lignes arrières allemandes demande, par l’intermédiaire du capitaine Jack Bereford Hayes, alias « Éric »,  à un groupe de FTP volontaire dont André Debon fait partie de franchir les lignes ennemies et parvenir de l’autre côté avec le maximum d’informations. La mission Helmsman est lancée, d’après le nom de l’un des 70 « circuits » du S.O.E découpant la France.  Trente et un volontaire sont sélectionnés par « Éric » sur lesquels 26 franchiront les lignes, 5 échoueront et un seul disparaîtra. Sept résistants de Saint-Hilaire-du-Harcouët, dont André Debon sont intégrés à l’opération. Ils reçoivent chacun deux mots de passe, « Biarritz » à dire dès le premier entretien avec un Américain et le deuxième « Cinq » écrit en toute lettre doit être remis au service de renseignements de la First Army. Debon a dans sa poche un message griffonné « Trente-cinq francs pour Bouboule » et son coéquipier Jacques Navier « Souvenir du cinq janvier ».

Debon et Navier quittent Saint-Hilaire-du-Harcouët à pied le 12 juillet en fin d’après-midi, munis de faux papiers fournis par le S.O.E. Faisant une halte d’une nuit chez la mère d’André Debon, ils partent ensuite pour Saint-Martin-le-Bouillant, Bourigny et Villedieu-les-Poêles où ils sont hébergés par un ami de Navier. Ce n’est que le 14 qu’ils commencent à s’approcher des zones de combats et glanent des informations auprès de passants et de réfugiés, fuyant les zones de combats. Ils attirent la curiosité des réfugiés, étant les deux seuls hommes marchant en direction des combats. Cela ne leur facilite pas les choses, d’autant plus qu’ils portent des chaussures anglaises facilement identifiables, mais n’ayant qu’elles, doivent les garder. Toutefois ils trouvent de l’aide et du logement auprès des civils. Aux abords immédiats du front les choses se compliquent. Les Allemands deviennent plus soupçonneux, d’autant plus que leurs allure fatiguée et habits les rendent vite repérables et un jour ils sont contrôlés trois fois en une heure. Il est donc impossible d’aller plus loin et décident de bifurquer vers la côte ayant amassé assez d’informations et de se rendre chez des amis de Jacques Navier, les Palluaut. Ce sont eux, qui une fois mis au courant de la situation des deux jeunes hommes les aident à regagner les lignes alliées au moyen de doris de pêche  le 17 juillet 1944 à 23 heures. Ce moyen est connu et au moment de partir, 18 personnes attendent au même endroit de monter à bord.

Ils arrivent le 18 en territoire libéré après avoir essuyé une forte tempête en mer. Dans la soirée et jusqu’au 21 juillet, ils énumèrent devant un officier, le colonel Runkle de l’État-Major de la First Army, toutes les observations qu’ils ont pu faire, de l’insuffisance du dispositif allemand au sud du département  à la faible densité des troupes et aux convois de bric et de broc.

Ces informations sont extrêmement précieuses aux Alliés et leur permettent de bombarder les zones indiquées et de se lancer dans l’offensive en toute confiance. Cela permet la ruée de Bradley vers Coutances et le sud, puis Avranches et Granville.  Ces hommes tel qu’André Debon ont écrit une page importante de l’histoire dont hélas peu de gens se souviennent aujourd’hui…