Greffier Pierrette "Lucette"
F.T.P.
Auteur de la fiche : Martine Seguela
Pierrette Greffier
Pierrette est née le 23 mai 1921 à La Chapelle-sur-Aveyron, dans le Loiret. Pierrette Greffier a occupé son premier poste d’institutrice à Saint-Etienne l’Allier, près de Pont-Audemer, où elle était arrivée le 1er octobre 1942 à l’âge de 21 ans. Elle avait fait l’école normale avec Puce (Simone Sauteur, autre grande résistante) qui était sa tutrice. Après l’exode, vécu par certains, les populations s’inquiètent. Les libertés sont réduites. Elle veut faire quelque chose, l’occupation est inacceptable. Elle cherche dans son entourage si des personnes sont prêtes à s’engager. Elle commence par voler la nuit dans les mairies des tickets de pain. Elle simule des cambriolages et redistribue ces tickets aux familles dans le besoin. Elle dessine des V de la victoire sur les murs, déchire des affiches, tourne ou enlève des panneaux routiers pour perturber les occupants.
Pierrette prend rapidement contact avec Robert Leblanc, chef du Maquis Surcouf. Fin 1942, elle s’engageait dans un groupe armé des Francs-tireurs partisans (FTPF)et entrait dans le Maquis Félicité de Saint-Siméon, entre Lieurey et Pont-Audemer.
Devenue agent de liaison des FTPF, sous le nom de « Lucette », Pierrette transmettait des plis secrets d’un groupe à l’autre dans la région en se déplaçant à bicyclette, de nuit; en journée elle s’occupait de sa classe à Saint-Etienne l’Allier. Ces renseignements ont permis de bombarder des dépôts de munitions. Elle a fait des faux papiers pour des résistants, a participé à la rédaction du journal clandestin « le Patriote de l’Eure ». Elle a réalisé des tracts et des papillons pour mettre dans les boîtes aux lettres et encourager à la patience. Elle avait toujours dans sa poche une grenade et un pistolet. En 1944, elle rejoint Vernon. Elle est au café Le Meur. Les Britanniques sont là, ils n’arrivent pas à traverser la Seine. Elle va montrer à Montgomery les batteries allemandes d’où viennent les rafales qui tuent les soldats alliés. Les positions allemandes sont pillonnées. Les troupes traversent la Seine.
Fin 1944, elle rentre à Evreux où elle est nommée institutrice. Elle épouse Paul Greffier (né en 1911, mort en 1989), lui aussi ancien résistant du Maquis Félicité puis député communiste de l’Eure après la guerre, de 1945 à 1951.
Pierrette a beaucoup témoigné de son passé de résistante, dans les collèges et lycées notamment. Elle a été vice-présidente et trésorière départementale d’associations d’anciens combattants. Elle a été décorée de la croix de guerre et citation, de la médaille militaire et avait reçu les insignes de la légion d’Honneur des mains de Didier Lafféach, président de la Fédération départementale des combattants volontaires, le 11 novembre 2011 à Evreux.
Pierrette Greffier est décédée dans la nuit de vendredi 6 au samedi 7 avril 2018 à l’hôpital d’Évreux.
Martine Seguela
Professeure au lycée Jean Moulin des Andelys
Déléguée départementale de Mémoire et Espoirs de la Résistance, « l’Association des Amis de la Fondation de la Résistance ».
HOMMAGE A PIERRETTE GREFFIER, Grande Résistante de l’Eure, décédée le 7 avril 2018
Pierrette,
Aujourd’hui, je porte la voix de tous les élèves et de tous les enseignants que tu auras marqués par ton témoignage de résistante, de femme engagée, et de citoyenne profondément attachée aux valeurs républicaines. Aujourd’hui, je suis aussi ici en amie.
La dernière fois que nous nous sommes vues, c’était en février 2018 à la base aérienne. Vous étiez, avec André Biaux, venus évoquer, chacun, vos parcours de résistants. Lorsque nous nous sommes assises l’une à côté de l’autre, lors de ce temps d’échange, j’ai été très touchée que tu me dises que tu étais heureuse d’être là devant ces jeunes. Tu m’as semblé un peu fatiguée mais tu ne te plaignais pas.
Ce jour-là, aux côtés d’André, tu avais encore une fois su captiver ton auditoire. Les élèves avaient été étonnés de voir avec quelles convictions tu avais choisi de t’engager dans la Résistance. Tu leur as expliqué le refus de l’occupation, refus de la privation de liberté, refus de la collaboration, refus d’un Maréchal qui bradait la République pour instaurer un régime autoritaire et antisémite en France, soumis aux nazis. Tu ne pouvais faire autrement : c’était ton devoir de citoyenne, une citoyenne éprise de liberté. Tu as dit à tous ces jeunes que tu n’avais pas eu peur de t’engager pour défendre un idéal, celui des valeurs de la République auxquelles tu étais si attachée.
Puis vint le temps de raconter tes actions de résistance, toutes menées au péril de ta vie, et en pleine conscience des risques encourus, actions pour défendre un idéal de liberté, de démocratie et pour une fraternité républicaine retrouvée.
Tu as su, comme toujours, trouvé les mots, dire les choses simplement comme si c’était une évidence. Tu les as emmenés avec toi, et ils t’ont imaginée, détourner les panneaux de signalisation, accueillir des aviateurs alliés, faire des faux papiers, circuler avec grenade et pistolet dans ta poche, ou encore indiquer à Montgomery comment faire pour détruire la batterie allemande à Vernon qui empêchait l’avancée alliée. Moi, je te regardais et encore une fois une grande admiration pour toi m’envahissait.
Tu as su leur dire que ce combat que tu avais mené n’était pas un combat d’arrière-garde, d’un temps passé mais qu’il avait toute sa raison d’être encore aujourd’hui. Tu leur as transmis cette nécessité de la vigilance à avoir aujourd’hui et demain face à la montée d’idées extrémistes, nationalistes ou d’exclusion. Tu leur as dit combien il était important de savoir dire non, et de s’engager quand résister devient nécessaire.
Toute ta vie durant, ton engagement et tes combats ont eu pour buts essentiels, le bonheur et le progrès pour les autres.
Les élèves qui ont eu la chance de te rencontrer n’oublieront jamais cette femme fragile en apparence que tu étais à ton arrivée devant eux, cette femme volontaire, cette femme déterminée qui n’a jamais pliée devant l’adversité, cette femme éprise de liberté et de progrès, cette femme d’exception que tu étais.
J’ai été très honorée de te connaître. Merci pour tout ce que tu nous as donné, nous ne t’oublierons pas, MERCI A TOI!