RESISTANTS MECONNUS OU OUBLIES

Rencontre prévu le 15/09/2004

Jeanne Boucourechliev-Bayet évoque son jeune frère François, qui après avoir vu flotter dans Paris les oriflammes nazis, parquer les enfants et adultes juifs au Vel’d’Hiv’, décide d’entrer dans la résistance, il a 16 ans à peine. Masquant son vrai âge, il rallie le « Corps franc Liberté » dans le Loiret, qui se prépare et s’entraîne en ce printemps 44 à aider les libérateurs. C’est près de Saint-Aubin que le 10 juin au matin 16 jeunes gens de cette unité, dont François, va être arrêtés par la Gestapo. Voyage tragique jusqu’à Dachau dans le « convoi de la mort » du 2 juillet 1944. Quelques jours avant la libération du camp François meurent d’épuisement, il n’avait pas 19 ans. Trois jeunes gens seulement du groupe sont revenus

Le père de François-René Christiani-Fassin est mort «quand la Liberté approchait», au camp de concentration de Neuengamme le 12 février 1945. Il avait rejoint Londres en juin 40 où il fut affecté au B.C.R.A. Dans la nuit du 1er janvier 1942, officier de liaison de Jean Moulin il est parachuté en même temps que « Rex » en Provence, à qui le général de Gaulle avait confié la mission d’organiser « ce désordre de courage » qu’était la Résistance. Il ne quittera Jean Moulin que trois semaines avant le drame de Caluire pour rejoindre Londres. C’est, la compagne de François-René, « Carolle » dans la résistance, qui est l’auteur du premier message envoyé à Londres annonçant l’arrestation de « Rex ». Au cours d’une deuxième mission en avril 44 il est arrêté avec « Carolle », et seront emprisonnés à la prison de Loos à Lille, où sa compagne mettra au monde François-René. Son père sera déporté le 31 août 44, par le « dernier train de Loos » vers Sachsenhausen puis Neuengamme, dont il ne reviendra pas.

Laurent Douzou, spécialiste de l’histoire de la Résistance, retrace la vie de « Cadillac ou Talbot », c’est à dire de Jacques Bingen à qui la vie souriait, mais qui ne pouvait que « vivre libre dans un pays libre ». Et qui par conséquent rejoint Londres en juillet 40 pour « combattre Hitler jusqu’à la fin ». De Gaulle en fait son directeur de la marine marchande, mais sa soif d’action le conduit à entrer au BCRA où il y suit les mouvements de Résistance français. Août 43, en France, il aide Claude Bouchinet-Serreules à structurer la Résistance à la suite de l’arrestation de Jean Moulin. Mai 1944, trahi il se donne la mort, chargé de trop de secret il ne voulait pas courir le risque de parler sous le torture. Cette homme passionné, avait écrit avoir été : « prodigieusement heureux au cours de cette paradisiaque période d’enfer ».

Le grand-père de François Fouré, Robert, est un militaire, blessé de la grande guerre, colonel en 1940, que Vichy met à la retraite d’office. Rentré en France il ne supporte pas la présence allemande et met son expérience de militaire au service des mouvements de Résistance de Paris où il habite. Il en devient rapidement le chef, l’organise et l’a structure afin de préparer, le moment venu l’insurrection de la capitale. Il prendra Rol-Tanguy pour adjoint, qui deviendra l’un des acteurs majeurs de la libération de Paris d’août 1944. Le 17 mars 1944 Robert Fouré est arrêté, torturé il ne parle pas et à quelques jours de la l’insurrection parisienne, il est envoyé à Dora où il y meurt en avril 1945. Bel exemple de résistant oublié !

Le professeur Roger Lhombreaud évoque l’extraordinaire affaire du vol des plans du mur de l’Atlantique par le peintre en bâtiment Roland Duchez dont un film a raconté l’histoire. La réalité fut un peu différente ; c’est le réseau français Centurie qui fut chargé de recueillir des renseignements sur les fortifications que construisaient les Allemands le long des côtes françaises afin d’empêcher un débarquement. L’un des responsables du réseau demanda à Roland Duchez d’entrer en contact avec les autorités allemandes, au cours de sa rencontre, par le plus grand des hasards il réussit à subtiliser, l’un des plans de ce «  mur », que le fameux colonel Rémy transmettra aux anglais. Modeste et originale geste à la contribution de la victoire finale !

Louis Mexandeau, ancien ministre, témoigne lui sur sa région du Nord «  terre de malheur, de courage, de résistance, de dignité et de solidarité », où combien de résistants peuplèrent ce pays viscéralement « anti-boches », et qui résista dès la première heure. Il rappelle tous ces héros anonymes comme son beau-père Marcel, qui sera déporté, ces héros oubliés, comme tous ces gens du Nord, paysans, mineurs, qui vécurent les exactions, les réquisitions, les destructions, et les brimades sans jamais courber le dos, et qui cachaient et accueillaient les anglais et tous ceux qui fuyaient les nazis, et aussi les héros oubliés comme Eusebio Ferrari, ou Charles Debarge « qui ne virent pas la fin… » De cette occupation brutale et impitoyable

Enfin madame Odile de Vasselot a raconté avec émotion l’histoire de cette admirable jeune femme belge Andrée de Jongh « Dédé » qui à 24 ans forme le vœu d’aider son pays et partir soigner les lépreux en Afrique. Elle réalisera au cours de son existence ses deux vœux. Dès juin 40 après avoir soigné les premiers blessés de la guerre elle créé la filière d’évasion « Comète » qui de juin 1940 à août 1944 permettra, à environ 800 aviateurs alliés abattus au-dessus de la France et de la Belgique, de rejoindre par l’Espagne, l’Angleterre. Odile de Vasselot sera convoyeuse dans ce réseau accompagnant ces aviateurs au cours de leurs longs voyages semés d’embûches, en train, à travers la France jusqu’à Bayonne puis la frontière espagnole. Quand à la fin du conflit tous ces hommes sauvés voulurent remercier « Dédé » ils s’attirèrent comme réponse : « Ne me remerciez pas, car moi j’ai eu la chance de faire la guerre sans jamais  tuer personne… »

 

Jean Novosseloff