Présentation dans le grand amphi de la Sorbonne du C.N.R.D. 2007 /2008 : L’aide aux personnes persécutées et pourchassées en France pendant la Seconde guerre

Rencontre prévu le 18/12/2007

Présentation et animation de cette après-midi

Madame Joëlle Dusseaux Inspectrice Générale de l’Education nationale

Thème du concours 2007 / 2008

L’aide aux personnes persécutées et pourchassées en France pendant

la seconde guerre mondiale : Une forme de résistance.

Réunion  co-organisée par :

La Fondation de la Résistance, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, la Fondation Charles de Gaulle et la Fondation de la France Libre.

Parrainage : Association de Professeur d’Histoire et de Géographie

Après-midi organisé :

Par l’Association Mémoire et Espoirs de la Résistance etles Amis de la Fondation de la Déportation.

Introduction de la séance : Joëlle Dusseaux :

Cet après-midi se déroulera de la manière suivante : Une  première partie de la séance sera plus spécialement consacrée à l’aide des personnes persécutées et pourchassées qui étaient soit des prisonniers de guerre soit des aviateurs anglais prisonniers ou encore des Résistants de Londres  parachutés en France et qui ont été aidés par des Français.

Deux témoins, Madame Odile de Vasselot et Monsieur Engilbert de Franssu vont témoigner de leurs actions quant à l’aide qu’ils ont apporté à ses pourchassés, puis Monsieur Joutard conclura cette première partie par un propos plus général d’historien, après lequel nous aurons  un cours échange « Questions – Réponses ». Dans une deuxième partie de la séance nous évoquerons plus spécialement l’aide apportée aux familles juives, pendant la seconde guerre mondiale en France

Témoignage : Odile de Vasselot :  

Je vais donc vous parler du réseau « Comète »qui a été fondé pour venir en aide aux aviateurs qui  à l’aller ou au retour de  leurs missions de bombardement en Allemagne avait été obligés de sauter en parachute au-dessus d’un territoire ennemi ou occupé, leur avion avait eu soit des difficultés mécaniques, soit il avait été atteint par la D.C.A. allemande (la Flak). Ces aviateurs quand ils arrivaient en parachute sur le sol, ne savaient absolument pas où ils se trouvaient dans quels pays étaient-ils,  près de quelles villes ?….etc.

De plus souvent obligés de s’extraire de leur avion ils étaient  blessés et à l’atterrissage combien se sont fait des entorses et ne pouvaient que marcher difficilement.

Imaginez donc toute l’aide qu’il fallait apporter à ces malheureux qui étaient en uniforme et qui  le plus ignoraient le langue du pays dans lequel ils venaient d’arriver.

Nous tous qui les aidions, on nous surnommait les « Helpers » du mot anglais « Help » qui veut dire aide.

La caractéristique première du réseau « Comète » était de recueillir et de faire sortir, des pays occupés par les Allemands (en Europe de l’Ouest : Les Pays-Bas, la Belgique, Le Luxembourg et la France ) des aviateurs et des les accompagner au cours d’un long voyage aux pieds des Pyrénées et de la frontière franco-espagnole, afin qu’ensuite ils traversent l’Espagne pour atteindre Gibraltar et rejoindre l’Angleterre pour reprendre le combat.

La première aide que l’on devait  apporter à ces aviateurs anglais, américains ou canadiens,  consistait à  leur fournir de « vrais – faux papiers »,  c’est à dire essentiellement une carte d’identité. Les aviateurs anglais ou américains étaient munis d’un « kit de survie » qu’ils cachaient dans un ceinture, ce « kit de survie » comprenait entre autre un jeux de six photos de l’aviateur, habillé en civil bien sûr, photos qui allait figurer sur les faux papiers de nous devions leur procurer.

Parfois, bien imprudent, certains de ces jeunes aviateurs en guise de souvenir donnaient ces photos aux jeunes femmes qu’ils rencontraient …….Alors il fallait refaire les photos de ces « boys » dans une pièce sombre ou dans un studio improvisé au fonds du jardin par exemple…….

Autre aide à fournir très vite à ces jeunes hommes, était la fourniture de vêtements civils, pas très  facile à trouver du fait des restrictions. En général et à condition d’entretenir de bons rapports avec les personnes qui travaillaient dans les lingeries de nettoyage (aujourd’hui des pressings) on arrivait à se procurer t des habits à la taille de ces « boys ».

Il fallait ensuite fournir  des tickets de rationnement aux familles qui hébergeaient provisoirement ces aviateurs. Il était hors de question que ces jeunes gens se servent de ces tickets, c’est la raison pour laquelle c’était aux familles qui les hébergeaient qu’il fallait procurer des coupons de rationnement supplémentaires. Grâce à la complicité des maires et des employés municipaux ces compléments de tickets  permettaient à ces familles à la fois de s’alimenter et de subvenir aux besoins de leurs hôtes.

Autre forme d’aide, celle des soins médicaux, prodigués aux blessés,  grâce à la complicité des médecins et des pharmaciens.

Enfin dernière aide, avec son côté  anecdotique, il  fallait apprendre à ces pilotes,  à monter à bicyclette car la dernière partie du voyage de Dax à Bayonne devait se faire par ce moyen, afin d’éviter les contrôles fréquents et rigoureux de la police allemande dans les gares frontalières. Difficultés supplémentaires un fois que les pilotes étaient arrivé à Bayonne il fallait renvoyer la bicyclette à Dax,  heureusement que là aussi la complicité des agents de la SNCF nous permettaient assez facilement ce transfert.

Enfin le principal volet de l’aide, c’était le but du réseau « Comète », nous devions  convoyer, c’est à dire accompagner ces aviateurs durant leur voyage en train, depuis le lieux où ils étaient hébergés, en Hollande, en Belgique ou dans le Nord de la France,  jusqu’à Dax ou dans une autre ville sur Sud-ouest.

J’étais moi-même ce que l’on appelait une « convoyeuse » et comme toutes les « convoyeuses ou convoyeurs » nous ne nous connaissions pas. Nous ne connaissions en fait que la personne qui nous confiait la mission et la personne à qui nous devions remettre le pilote. Par prudence comme tous les réseaux nous étions comme nous le disions très « cloisonnés ».

Ces longs voyages se faisait pas étapes. Par exemple pour franchir la frontière franco-belge  nous ne prenions jamais de train direct mais successivement les trains omnibus, des cars  et parfois les étapes se faisaient à pieds, souvent la nuit. A la frontière « un passeur » nous l’a faisait traverser entre le dernier village belge et le premier village français. Arrivé en France nous rejoignons Lille, de nouveau par car avant de prendre le train pour Paris.

A cette époque les trains étaient bondés et le voyage durait des heures, debout dans des wagons très peu chauffés et il fallait être très attentif à la sécurité des pilotes dont nous avions la charge.

Les moments les plus dangereux à la fois pour nous et pour eux étaient l’arrivée gare du Nord à Paris  d’autant que ces hommes souvent très grands avaient des allures plus militaires que civiles et des habitudes de démarche très décontractée mains dans les poches ! ! ! qui dénotaient par rapport à la foule parisienne  que nous croisions.

Arrivée à Paris, par le métro je conduisais les aviateurs dans une cache, une planque disait-on, près du parc Monceau où ils allaient rester quelques jours avant d’être pris en charge par une autre équipe qui allait les conduire vers la frontière espagnole où ils passeraient vers Gibraltar pour reprendre ensuite le combat.

N’oublions pas de citer le rôle important souvent qu’on joué les « logeurs » c’est à dire ceux qui pendant quelques jours abritaient dans leur appartement, dans leur maison le ou les pilotes pour quelques jours. Par du voisinage il fallait demander au(x) pilote (s) de ne pas se monter à aux fenêtres, d’éviter le bruit…….etc.

Enfin, il faut l’avouer vis à vis les « convoyeuses » (parce que c’était en général des jeunes filles) les Allemands avaient moins de méfiance !

Après ces deux témoignages qui concernent l’aide apportés à des aviateurs alliés et à des prisonniers évadés, sur cette forme de Résistance première synthèse du : Professeur Joutard :

Au travers de ces deux témoignages on voit quelques caractéristiques de l’accueil et  de l’aide aux pourchassés, les points communs et aussi les quelques  différences entre l’accueil des soldats prisonniers évadés ou l’accueil des aviateurs anglais, américains et canadiens et pour les  Juifs dont on parlera dans une deuxième partie.

Le premier point commun de ces deux témoignages est une résistance de la « quotidienneté », c’est dire une résistance qui n’implique pas de résistants confirmés ou une résistance armée, mais qui concerne très directement une autre société : qui est la famille.

Ce phénomène « familiale » explique une présence plus importante des femmes et aussi d’enfants.

Autour de ce cercle familiale vont se greffer des complicités qui seront par exemple celle des commerçants  comme l’a bien montré Madame Odile de Vasselot avec le pressing et la laverie pour se procurer des vêtements. Complicités plus large ensuite les autorités, le maire et les employés municipaux quand il va s’agir de fabriquer des faux-papiers pour tous ces pourchassés, voir dans le village (et c’était plus facile que dans les grandes ville) avec la complicité parfois même du gendarme. Ainsi c’est toute une chaîne de solidarité qui va permettre de sauver ces pourchassés.

Il y a concernant les aviateurs, qui sont souvent plusieurs et qui souhaitent rester grouper, par solidarité (la solidarité de la langue) une différence pour les sauver : il faut impérativement dans ce cas qu’un  réseau, comme « Comète » les prennent en charge.

Un réseau est une organisation hiérarchisée, dont les chefs sont en général à Londres, avec des agents et de nombreux relais dans les pays occupés, qui permettent d’acheminer sur plusieurs jours, au cours d’un long voyage où les dangers sont multiples ces aviateurs qui doivent  ensuite  reprendre le combat. Ces jeunes pilotes qui vont avec leurs convoyeurs traverser les pays occupés, traverser les frontières vont vivre une véritable aventure qui par la suite vont devenir de beaux sujets de romans ou de film dans les années 50/60.

Imagination et sang froid sont nécessaires à ces convoyeurs pour accompagner ces jeunes aviateurs peu habitués à la clandestinité, avec leur physique aussi peu ressemblant que possible aux hommes français de nos villes et de nos campagnes, avec leur accent même quand ils pouvaient connaître quelques mots de notre langue  !.

Ces réseaux ou ces filières d’évasion malgré leur organisation n’ont pu « travailler » que dans un environnement de plus en plus large de complicités à tous les niveaux de la société civile française.  Au fur et à mesure que la guerre et l’occupation vont se poursuivent ces complicités se renforceront, s’étendront malgré les propagandes et en particulier celle de Vichy et on peut affirmer qu’à partir de 1942 l’opinion devient de plus en plus favorable aux Alliés.

En conclusion de cette première partie, posons-nous la question : Qu’est-ce qui conduit ces femmes et  ces hommes à s’engager  au sauvetage de prisonniers évadés, d’aviateurs, de familles juives, de résistants recherchés….  ?

Certes un sentiment « d’humanité » voir de compassion mais ce n’est sans doute pas un motif suffisant,  tout au plus il permet de ne pas dénoncer, de « fermer les yeux »,  de donner une aide ponctuelle. Il n’est pas assez fort pour expliquer à lui seul un tel engagement, au péril de va vie, pendant plusieurs années.

Un sentiment plus fort explique d’avantage cet engagement : c’est celui d’une tradition patriotique, souvent quand ses parents ou ses très proches ont pris part à la 1ère guerre mondiale.

L’ouverture d’esprit et l’éducation, souvent  religieuse, expliquent aussi un tel engagement ainsi que l’absence de préjugé vis à vis de tel ou tel communauté ou pays. Dans ces années là, il ne faut pas oublier que même en France les Juifs sont victimes de préjugés raciaux très fort que la propagande allemande et celle de Vichy entretiendront.

Enfin,  bien sur les choix politiques et personnels expliquent  cet engagement

Beaucoup de femmes et d’hommes après ces premiers engagement,  à sauver et cacher  des prisonniers évadés, des aviateurs, des résistants recherchés, des familles juives, passeront à une autre formes de résistance plus active encore plus dangereuse qui sera celle de la résistance armée.

Quelques réflexions sur le travail concentrationnaire     (sujet du Concours National de la Résistance et de la Déportation 2007-2008) par Jean-Pierre Renouard

Le 30 avril1942, l’Obergruppenführer Pohl, chef des services économiques de la S.S., signe l’ordonnance concernant l’exploitation de la main d’œuvre concentrationnaire.

« … La guerre a manifestement changé la structure des camps de concentration et aussi notre tâche en ce qui concerne l’organisation de la détention. La garde des détenus pour de seules raisons de sécurité, de redressement ou de prévention n’est plus au premier plan. Le centre de gravité s’est maintenant déplacé vers le côté économique…. L’utilisation des déportés doit être épuisante (erschöpfend) au sens propre du terme… »

On sait que le régime alimentaire des déportés était de 200 grammes de pain et un bol de soupe pour 12 heures de travail manuel. Ce régime soigneusement étudié au départ était censé les faire durer six mois, avant qu’ils ne meurent d’épuisement. Le rendement des déportés affamés était franchement mauvais, d’autant qu’ils étaient affectés aux travaux les plus durs, les travaux de force. En fait, les déportés travaillaient si peu et si mal que les SS se croyaient obligés de les frapper sans arrêt.

Il est vrai qu’un petit nombre de déportés, en général ceux qui parlaient allemand, avait trouvé le moyen de se planquer dans des emplois intérieurs à chaque camp ou à chaque commando : statistiques de travail, blanchissage, électricité etc.…  au plus bas de la hiérarchie concentrationnaire, mais planqué quand même. De plus, après la circulaire Pohl, l’industrie allemande, traitant directement avec la SS, s’était mise à employer des déportés, non seulement comme manœuvres mais aussi comme ouvriers qualifiés. Ainsi I.G Farben  à Auschwitz et Siemens, Krupp, Heinkel, Messerschmitt, Dornier… bien d’autres et enfin la Mittelwerk qui fabriquait des moteurs de V1 et plus tard de V2 dans l’usine souterraine de Dora. Ces déportés étaient à l’abri des intempéries et faisaient un travail moins dur. Ce sont eux, en général, qui sont revenus.

Certains nazis de haut rang utilisaient la main d’œuvre concentrationnaire à leur profit, tel Hermann Göring dans son usine du même nom à Braunschveig et le Gauleiter du travail Fritz Sauckel dans son usine  de Gustloff qui produisait des canons et des véhicules d’artillerie. Il me semble qu’il a été pendu à Nuremberg.

Au fur et à mesure que la situation militaire empirait, de nouvelles classes d’Allemands étaient mobilisées. Mais les ordres n’ont pas changé pour autant. La SS restait propriétaire des déportés « frappés d’une peine effective et infamante » et a continué à les exploiter jusqu’à la mort. Etrangement, le ministre de l’armement Albert Speer, qui a plus que doublé la production de matériel de guerre pendant son mandat, n’avait pas connaissance de l’utilisation de la main d’œuvre concentrationnaire dans les usines allemandes.

Aucun document compromettant ne porte sa signature. C’est ainsi qu’il a sauvé sa tête à Nuremberg.

Par contre Werner Von Braun, officier SS honoraire, a inspecté plusieurs fois le tunnel de Dora, exigeant une augmentation de la production. Il a été sauvé par les Américains qui avaient besoin de lui et de son équipe de scientifiques pour la guerre froide et la conquête de l’espace.

J’ajouterai pour terminer que les calculs de la SS n’étaient pas si inexacts, puisqu’arrivé en camp début juin 1944 j’étais à bout de forces en janvier 1945. Je ne sais pas comment j’ai pu survivre jusqu’à l’arrivée des troupes britanniques à Bergen Belsen le 15 avril

Ni comment j’ai fait après…. mais c’est une autre histoire…..

 

Jean-Pierre Renouard*

 

* J.P. Renouard est l’auteur : « D’un costume rayé d’enfer » aux Editions. du Félin (Prix 1993 de l’Académie Française et  prix 2001 Jean Prévost)