« L’esprit de la résistance face à la crise mondiale » – Conférence donnée à l’Assemblée Nationale
Rencontre prévu le 09/10/2009
« L’esprit de la résistance face à la crise mondiale »
Conférence du 19 octobre 2009 à
l’Assemblé Nationale – salle Colbert
Message du Président Bernard Accoyer
Je n’ai pu être parmi vous aujourd’hui pour ouvrir le colloque sur l’esprit de la résistance face à la crise mondiale. Croyez bien que je le regrette. Toutefois, j’ai tenu à vous adresser un message.
La France traverse une crise profonde et mondiale. L’histoire de notre pays, riche et ancienne, nous a enseigné que l’unité et la souveraineté françaises se sont toujours imposées. Alésia, Crécy, Bouvines, Valmy, Verdun… Notre pays ne s’est jamais abandonné au découragement. Il y a, en France, un fait national fondé sur notre langue, sur notre Histoire, sur la conscience de valeurs partagées. Il y a, en France, une capacité de sursaut, une détermination, aux heures les plus graves, à choisir son destin, à rester libre.
Mélange de courage et d’humanité, de romantisme et de rationalisme, de modestie et de grandeur, ce caractère, parfois moqué mais plus souvent admiré, distingue notre pays et fonde notre identité : être Français, c’est moins sans doute une question de sang qu’une question d’esprit.
La crise économique que le monde traverse a donné à notre pays l’occasion de tracer de nouvelles perspectives. Contrôler les spéculations folles, dénoncer les paradis fiscaux, réglementer les bonus choquants… C’est à l’initiative de la France que la communauté mondiale s’est engagée dans cette voie. Il y a un an, lorsque les économies mondiales ont vacillé, lorsque chaque pays a eu la tentation de céder aux sirènes de l’égoïsme, aux démons du protectionnisme. C’est la France qui a rappelé à chacun le devoir de la responsabilité.
Et rien n’était gagné ! Souvenons-nous, la position de la France était plus un pari qu’une espérance. Il fallait croire en la responsabilité des dirigeants des vingt plus grandes nations. Mais nous avons convaincu. Nous avons convaincu que ce qui était raisonnable c’était d’être courageux. Nous avons convaincu que le pragmatisme commandait l’audace.
Nous ne sortirons de la crise qu’en nous unissant pour relever de nouveaux enjeux. L’avenir ne peut qu’être bâti sur l’innovation, sur l’imagination, sur l’effort. L’avenir est à inventer. Rien n’est acquis, mais rien n’est fatal. Si les enjeux ont changé, si le monde évolue, il appartient aux femmes et aux hommes de s’élever ou bien de plonger dans le même esprit de courage, d’audace, de liberté – en un mot de résistance – qui doit nous guider. Cet esprit de la résistance, que le Général De Gaulle a incarné si haut, c’est refuser le découragement, le conformisme, la résignation. C’est inventer les voies nouvelles.
Ces derniers mois, au plus fort de la tempête financière, la France a fait montre de courage, d’imagination, de pragmatisme et d’espérance. Rien n’est facile mais tout reste possible. L’urgence, c’est de reconquérir les moyens de notre ambition. Le génie de la France est là. Nous en sommes les dépositaires. Nous avons le devoir de le transmettre.
Je vous remercie.
Maître Nicolas BAVEREZ
Je vais commencer par une citation de Churchill qui disait « il faut prendre l’événement par la main avant qu’il ne vous saisisse à la gorge » les grandes crises comme les grandes guerres sont ce type d’événement qui prend tout le monde à la gorge, les dirigeants mais aussi les citoyens, ensuite chacun doit se déterminer et c’est extrêmement difficile. Le capitalisme est une sorte de caméléon qui a muté plusieurs fois depuis qu’il est apparu au XVII° siècle. L’instrument de ces mutations ce sont les grandes crises qui amènent non seulement des chutes brutales de production et de chômage, mais qui amènent à changer son mode de régulation. Ceci nous renvoie à l’étymologie du mot crise qui vient de crissis en latin cela ressemble aux événements décisifs de guerre, crissis c’est le moment décisif où l’on va vers la guérison ou la disparition. Cela nous rappelle bien que dans ces grandes crises du capitalisme il y a toujours un mode de production qui disparaît et un autre mode de production qui émerge.
Ce fut le cas dans les années 30 avec ensuite avec l’apparition de la production et de la consommation de masse à partir de 1945. Ce fut le cas dans les années 70 avec la fin de la régulation Keynésienne émergence de ce qui est devenu la mondialisation. C’est encore le cas aujourd’hui avec la crise de la mondialisation et nous verrons ce qui peut émerger de cela. Comme il a été dit 2009 est très différent et de s années 30 et de 1945.
En 1945 le monde sortait de deux guerres mondiales, de la plus grande crise du capitalisme jusqu’alors, l’Europe était ravagée, divisée, la France avait perdu 600 000 de ses citoyens et le quart de la fortune nationale avait disparu.
En 2009 la mondialisation est certes en crise mais nous n’avons pas de conflit mondial et on est même en sortie de la troisième guerre mondiale qui était la guerre froide, qui s’est conclue de manière pacifique. L’Europe est réunifiée quand à la France, même si a mon sens elle est en déclin, elle n’est pas dans un état comparable à celui qui était le sien soit en 1939, soit en 1945. C’est vrai de l’économie c’est vrai aussi de sa position internationale.
Les choses sont différentes mais néanmoins on trouve un certain nombre de points communs et pas seulement sur l’économie. Points communs sur l’économie nous sommes en face des deux plus grands chocs déflationnistes de l’histoire du capitalisme avec deux phases d’éclatement de bulles l’une sur le marché d’actions des Etats-Unis dans les années 20 en 29, énorme bulle du crédit en 2008. A partir de 2007 et en 2008 avec la faillite de la banque Lehmann Brothers.
Deuxième élément commun derrière des déséquilibres majeurs des échanges et des paiements mondiaux et également l’épuisement d’un modèle économique qui était le capitalisme libéral et la norme de l’Etat minimal dans les années 20 et ce qui est aujourd’hui la mondialisation avec l’ensemble : ouverture des frontières, libéralisation, innovations financières, dérèglementation qui a émergé à partir de 1979.
Crise d’un modèle économique mais également un changement de monde. Ces grandes crises sont évidement des chocs économiques, mais ce sont aussi des chocs politiques parce que la hiérarchie des nations et des continents évolue, ce sont aussi des chocs intellectuels car il y a aussi tout un système de croyances qui disparaît. Aujourd’hui, par exemple, l’idée de l’autorégulation des marchés est très fortement remise en question.
Je voudrais essayer de vous montrer trois choses : premièrement vous montrer comment cette expérience traumatique des années 30 a été très importante en 1945 mais aussi dans la dernière année pour gérer la crise de la mondialisation. Pourquoi est-ce que la sortie de crise passe par un changement majeur de régulation du capitalisme comme en 1945. Quelles pourraient être aujourd’hui les réformes de ce capitalisme universel, à la lumière de ce qui s’est passé après la seconde guerre mondiale.
Regardons un peu cette crise des années 30 et en quoi elle a été fondamentale en 45 pour la création d’un nouveau modèle social et économique et également dans les évènements récents. Sans détailler les deux crises je vous rappelle la séquence 24 octobre 1929 le krach de Wall Street, avec une réplique encore plus violente le 29 octobre à partir de ce moment une erreur de politique monétaire, la FED resserre ses taux d’intérêt, le gouvernement Hoover, l’administration veut revenir à l’équilibre budgétaire, ceci crée une grande dépression aux Etats-Unis. Malheureusement, étape suivante, le congrès réagit avec une loi protectionniste la loi Hawley-Smoot qui augmente de 50% les tarifs et les droits de douane. Du même coup on a 10 000 faillites de banques aux Etats-Unis, ces banques cherchent à ramener leurs avoirs d’Europe c’est la faillite du Crédit Konstalt qui exporte la crise en Europe en 1931. Echec de la conférence de Londres qui était la tentative d’avoir une solution négociée en 1933 et à partir de ce moment là la course d’évaluations compétitives au protectionnisme et tout le système d’échanges mondiaux recule des trois quart pendant les années 30.
En 2008 on a au départ une même erreur de politique monétaire puisque la politique de la FED après le choc de 2001 est restée trop longtemps trop accommodante, ensuite une succession de bulles : bulle immobilière, bulle du crédit, bulle bancaire, tout ceci commence à se fissurer à partir de l’été 2007 et s’effondre avec la faillite de Lehmann Brothers le 15 septembre 2008. Et c’est l’aspect difficile de la mondialisation ça s’effondre sur tous les continents et là il ne faut pas deux ans comme en 1931, en 10 jours toutes les grandes banques mondiales se retrouvent dans une situation de quasi faillite. Donc vous voyez que l’on a des constantes, l’erreur de politique monétaire, les bulles et puis économiquement le phénomène de déflation par la dette. C’est-à-dire : tant qu’on est dans la bulle on en profite donc personne n’a intérêt véritablement à en sortir puis au moment où la rentabilité des actifs devient très insuffisante par rapport à leur prix là on a les premières fissures puis ensuite un effondrement extrêmement brutal. La différence, qui est très heureuse, c’est la structure de configuration qui est la mondialisation et évidement une différence majeure qui est la politique économique et qui laisse espérer que l’issue soit différente. Puisque finalement vous voyez qu’il n’y a pas eu d’issue économique à la crise des années 30. L’issue a été la seconde guerre mondiale. Ce n’est qu’en 45 que l’on a réussit à moderniser le modèle économique.
Cette expérience de 30 elle a été fondamentale en 45 et plus récemment. Elle a été fondamentale en 45 parce quand on a cherché à reconstituer non seulement les économies développées mais également à organiser le système mondial on avait en mémoire ce choc, le chômage qui avait atteint 25% aux Etats-Unis et 20% en Allemagne et puis l’effondrement de l’activité.
Ce qui a conduit à la régulation Keynésienne avec l’idée que la première responsabilité de l’Etat c’est le plein emploi. Ca aussi justifié la modification des structures du Capitalisme avec un nouvel équilibre entre le travail et la capital, et surtout une nouvelle gouvernance du système mondial, parce que là encore alors que les années 30 avaient été un grand moment de nationalisme économique et évidement idéologique avec l’exacerbation et le déchaînement des totalitarismes. L’idée a été de lier la liberté économique et la liberté politique et de garantir ça par des institutions mondiales. C’est le système de Bretton-Woods, dont j’appelle votre attention sur le fait qu’il a été extrêmement novateur puisque encore dans le G20 de Londres même si le FMI a évolué depuis c’est quand même avec les institutions qui ont été inventées en 1945 qu’on gère plus ou moins facilement le système international, la seule grande novation ça été l’OMC mais sinon nous vivons toujours avec le FMI et La Banque Mondiale qui ont été installées après 1945.
Cette expérience des années 30 a servi beaucoup pour la gestions de la crise d’abord sur le plan théorique parce que les deux grands modèles c’est Irving Fisher qui avait expliqué la déflation par le dette en 33, et bien sûr Keynes que vous connaissez bien et qui avait explicité la trappe à monnaie, la trappe à liquidités, le chômage permanent, l’équilibre de sous emploi et la manière dont on pouvait se retrouver dans une situation où seul l’Etat était en position d’agir et en position d’emprunter quand les ménages ou les entreprises en peuvent plus ou ne veulent plus consommer ou investir.
Leurs enseignements on été mis en pratique il y a trois priorités en cas de déflation par la dette : sauver les banques, empêcher la déflation, c’est-à-dire la spirale à la baisse de l’ajustement des prix, des salaires, des investissements, et de l’emploi et puis éviter le protectionnisme. Vaille que vaille c’est ce qu’on a réussi à faire depuis septembre 2008 et c’est fondamental, on a sauvé les banques 17 000 milliards de $ engagés dans le monde pour cela. On a fait de la relance 5 000 milliards de $ dans les pays développés. Et le G20 a réussi a obtenir que l’on ait peu de mesures protectionnistes quelques coups de canifs mais rien d’équivalent à ce qui s’est passé dans les années 30.
Derrière on a bel et bien le même changement de monde, aujourd’hui, de même que dans les années 30 derrière la crise économique, il y avait aussi le fait que le Royaume Uni qui prétendait toujours être la régulation du système mondial, ne l’était plus du tout à cause de l’effondrement de son économie. Aujourd’hui on a également derrière des modifications fondamentales, modifications économiques donc c’est la fin du cycle économique qui avait démarré à la fin des années 70, c’est la fin de la suprématie des Etats-Unis le Sud représentera 50% de la production mondiale cette année et puis c’est la fin du monopole de l’Occident sur le capitalisme parce que ce capitalisme universel il est en train de basculer vers l’Est et vers l’Asie.
Aujourd’hui quand on regarde tout ça on voit bien que c’est le deuxième temps, On a pu arrêter la déflation, aller vers une forme de croissance positive donc on sort progressivement de la récession mais ceci ne fait pas une sortie de crise durable. Pour avoir une sortie de crise durable il faut bel et bien arriver à gérer une nouvelle grande transformation de la régulation du capitalisme avec des enjeux qui sont des enjeux économiques mais aussi des enjeux politiques.
En 45 on avait la liaison entre la réforme d’un certain nombre d’institutions au plan national et puis au plan international, la rupture avec le système de l’Etat minimal et au contraire la monté d’un etato-capitalisme, la montée en puissance pour encadrer les marchés. Et également la liaison avec une forme d’ouverture des frontières qui n’avait évidement pas concerné le bloc soviétique, mais je rappelle le caractère extraordinaire du plan Marshall c’est que pour la première fois dans l’histoire un vainqueur consacrait 3% de sa richesse à reconstruire les vaincus.
Deuxièmement également c’était l’idée de mêler et conditionner l’aide à l’ouverture des frontières et à la libéralisation d’un certain nombre de structures économiques et ceci permettait en même temps la reconversion de l’économie de guerre des Etats-Unis
Donc 1945 c’est bien ce nouveau modèle économique qui pointe et en 2009 on se retrouve à peu près dans la même situation c’est-à-dire que le pire est derrière nous puisque l’on a évité la mécanique des années 30. Mais le plus difficile commence peut-être c’est-à-dire et là nous n’avons plus les guides du passé, Fischer ou Keynes ne sont que d’une aide limitée, c’est-à-dire comment gérer la sortie de crise ? Comment gérer les séquelles de ces interventions ? Puisque les pays du G15 auront 150 % de dette publique en 2015. Les banques centrales sont transformées en gigantesques edge-funds. Comment réformer ce modèle de la mondialisation, sortir de l’économie de bulle, réfléchir à un nouvel équilibre entre le travail et le capital, l’épargne et l’investissement, au niveau mondial.
Donc on a bien cette nouvelle reconstruction à imaginer avec une négociation globale qui rejoint par certains côtés ce qui a été fait à Bretton Woods et avec la nécessité d’essayer d’imaginer des institutions, des règles nouvelles pour le capitalisme. Mais aussi d’une certaine manière une nouvelle forme d’éthique car le krach est aussi un krach moral. Et en même temps il faut repositionner les Nations les contenant, le rappeler, le Japon s’était reconstruit après 1945. Il est clair que l’on doit d’un côté reconstruire les pays développés, l’Occident., qui ont rompu avec la production et qui se sont désindustrialisés de manière extrêmement importante, l’Europe doit faire face à la fois à son vieillissement, au surendettement, à la sous-compétivité, la surévaluation de sa monnaie, et puis les pays du Sud doivent imaginer des formes d’Etat Providence parce que c’est la manière pour eux d’abord de conforter la demande intérieure et donc de prolonger une croissance qui ne pourra plus être fondée uniquement sur les seules exportations.
Comment se présentent donc en troisième temps les réformes du capitalisme universel à la lumière des enseignements de ce qui s’est passé.
Aujourd’hui finalement …..Rappelez-vous qu’en 1945 tout le monde était persuadé que l’on allait retourner directement aux années 30 et qu’on allait vers un chômage massif et à une sous-activité à cause de la fin de la guerre ça n’a pas du tout été le cas. Aujourd’hui l’histoire est de nouveau ouverte. Le principe de notre époque c’est la mondialisation. Il y a trois scénarios : soit elle survit grâce aux réformes, soit elle se désintègre et on peut toujours avec le protectionnisme et une dévaluation compétitive aller à une forme de régression qui serait terrible pour la croissance mais aussi pour la prospérité du monde et empêcherait la sortie de pauvreté de vastes pans de la population mondiale. Ou le système peut se fragmenter s’organiser autour de grands pôles en partie rivaux et également coopérant en partie.
Pour essayer d’aller dans la bonne direction c’est-à-dire la stabilisation et la réforme il y a un certain nombre de principes qui sont utiles par rapport à ce qui s’est passé :
- Premièrement et ça c’est l’expérience notamment de la conférence de Londres, il faut absolument arriver à coordonner les stratégies de sortie de crise des différents états, pour aller vite les Etats-Unis doivent cesser de consommer à outrance et se remettre à produire. L’Europe doit accepter de s’occuper de la croissance et de l’emploi et pas seulement d’avoir une monnaie sur évaluée. Les Asiatiques doivent accepter de consacrer les fonds de la relance à la dynamisation de leur demande intérieure notamment de leur consommation par la création « d’état-providence » finalement la situation de la Chine d’aujourd’hui est proche de celle de l’Europe de 1945 ou19 50 de ce point de vue là.
- Deuxièmement grand chantier : la régularisation du capitalisme, c’est tout ce qui a été fait sur le modèle économique, modèle économique des banques, modèle économique des grands pôles, modèle économique de la mondialisation avec ce grand déséquilibre qui était justement d’un côté des pays qui s’endettaient pour consommer et importer – Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne ou Irlande – et de l’autre coté des pays qui épargnaient, qui investissaient et qui se portaient c’était les Asiatiques, le Japon ou l’Allemagne. Ce système doit évoluer et vous voyez bien qu’il ne peut évoluer que de manière progressive et concertée parce que la réforme d’un modèle économique ça ne se fait pas en quelques mois et même en quelques années.
- Le troisième grand chantier c’est la gouvernance de la mondialisation. Nos difficultés sont venues avant tout de grand écart entre une mondialisation financière qui allait beaucoup plus vite que la mondialisation économique et une mondialisation économique complètement déconnectée de quelque forme de réassurance politique que ce soit.
Aujourd’hui on a vu des signaux qui sont très intéressants : le G20 et le conseil de stabilité, le G2 le gouvernement économique européen qui a existé malheureusement par éclipse uniquement, le 12 octobre dernier (2008) qui depuis est retombé dans les limbes. C’est quelque chose de fondamental parce que si nous voulons préserver cette société ouverte et cette mondialisation économique il faut une réassurance politique sinon nous pouvons avoir un système multipolaire mais qui soit extrêmement hétérogène et instable et avec des risques de conflits importants.
Pour finir avec l’Esprit de la Résistance je crois qu’aujourd’hui l’Esprit de Résistance c’est avant tout un esprit d’optimisme. Roosevelt disait c’était au cœur du discours du new deal « La seule chose que nous devons craindre c’est la peur elle-même ». Finalement cette peur n’a pas été conjurée dans les années 30 elle a fini sur la déflagration de la deuxième guerre mondiale, mais elle a été conjurée en 1945.
Aujourd’hui à l’âge de cette histoire universelle c’est bien cela qui m’apparaît essentiel, c’est-à-dire que fort heureusement nous n’en sommes pas aujourd’hui à une crise qui débouche forcement sur des conflits armés, il est encore tout a fait possible d’en sortir par l’économie et non pas par des confrontations entre les nations mais cela suppose de faire un peu la même démarche que celle de 1945 c’est-à-dire une démarche qui fait le choix de la réforme contre celui de la révolution, donc aujourd’hui tout ce qui est alternative au capitalisme c’est heureusement discrédité parce que c’est extrêmement dangereux mais en même temps une démarche extrêmement courageuse car elle refuse le retour au passé. En France on sait que ce retour au passé s’est fait au plan politique avec la 4° République qui a été une catastrophe. En revanche sur l’économie le changement a eu lieu et cela a été extrêmement positif.
Le dernier élément qui est fondamental : c’et le choix de la raison contre les passions collectives et c’est bien ce choix de la raison aujourd’hui qui peut permettre de conjurer la déraison économique, c’est l’économie des bulles et la déraison politique c’est la tentation qui est toujours grande d’abandonner après, quand la liberté économique produit un certain nombre de dommages et de crises, d’abandonner ensuite malheureusement la liberté politique.
Jacques LESOURNE
L’esprit de Résistance dans sa nature, c’est premièrement le refus de ceux qui sont provisoirement faibles d’accepter les conditions que leur imposent ceux qui sont provisoirement forts. Il en résulte aussi que l’esprit de Résistance n’est pas unique mais peut prendre des formes diverses. Il peut prendre la forme du revenu immédiat, total, ceux de juin 1940, ou de la lutte lente, quelque fois sournoise, pour grignoter l’adversaire et finalement l’éliminer. Naturellement dans la Résistance au cours de la seconde guerre mondiale il y a cette phase aussi, cet aspect aussi. La Résistance peut aussi être officielle ou peut être secrète. Elle est évidement toujours l’acceptation de la souffrance et de la mort. Si la Résistance est multiple il me semble que les défis que sont en train de nous poser les décennies suivantes et plus certainement le 21ème siècle sont évidement multiples et tous ces défis il faut les concevoir dans le contexte. Quelles sont les trois grandes caractéristiques du contexte du 21ème siècle, vous les connaissez, mais je les rappelle, la premiere c’est la globalisation, globalisation qui résulte évidement des bouleversements dans les transports et dans les télécommunications. Entre les trois semaines qu’il faut à Madame de Sévigné pour aller voir sa fille au château de Grignan, et la possibilité des hommes d’affaires actuels d’aller passer leur dîner à New-York et rentrer dans la nuit, il n’y a pas de commune mesure.
La deuxième caractéristique aussi c’est la multipolarité, c’est-à-dire la présence d’entités politico-économiques importantes autour du globe qui sont en relation les unes avec les autres. Tout le monde a entendu parler de la lutte entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique, il y avait deux grands pôles dans la politique et l’économie mondiale pendant un certain temps les Etats- Unis sont apparu comme le pôle unique et bien nous rentrons dans une période à plusieurs pôles les Etats-Unis, l’Europe, le Japon, la Chine la Russie, le Brésil, je ne cherche pas à faire une liste en soi.
Les systèmes multipolaires ont des caractéristiques que je n’ai pas le temps de développer, qui ne sont pas celles où deux blocs se heurtent. On en a connu au 18ème siècle, dans une partie du 19ème siècle.
Le troisième aspect qui est du aux communications c’est ce qu’on pourrait appeler le « mimétisme ». Quand des nouvelles arrivent elles se répandent immédiatement, Nicolas Baverez à expliqué qu’entre la crise des années 30 et celle de 2008 la propagation n’a pas été à la même vitesse, en 2008 cela c’est fait immédiatement. Tout le monde a compris ce qui était entrain de se passer.
Les phénomènes de mimétisme sont des phénomènes dans lesquels les humains se copient les uns les autres, croient à l’information donnée par les autres, et cela peut donner des phénomènes comme les grandes marées d’équinoxe sur les bords de l’Atlantique.
Je pense que nous sommes dans trois séries de crises qui n’ont pas du tout le même tempo, la même durée de développement.
La première est une crise conjoncturelle, qui s’est déclenchée en 2008 qui par beaucoup de côtés ressemble à la crise de 1929 et dont la source bien connue des économistes mais qui nécessiterai bien des développements pour l’expliquer, est toujours dans le domaine financier et monétaire et aussi dans des déséquilibres de taux de change. Dans ce cas là il avait beaucoup de sommes que les banquiers américains étaient susceptibles de placer à ceux qui voulaient qu’on leur fasse des prêts sur le marché américain et des ménages qui en même temps réduisaient leurs encaisses propres monétaires, ce qu’elles avaient dans leur comptes en banque, au minimum et étaient prêts à accepter des prêts. Ce phénomène qui n’était pas totalement invisible, et la banque européenne avait insisté sur le risque, a entrainé le déclenchement de la crise conjoncturelle 2008-2009, on peut la faire partir de la faillite de la Banque Lehmann Brothers, comme quelques fois on rappelle la faillite du Kredit Densthal autrichien comme une marque importante sur le développement de la crise de 1929.
Cette crise a comme caractéristique une baisse rapide de la production, du chômage, des difficultés bancaires et réapprentissage les gouvernements ont eus la sagesse de la conjurer par une politique de soutien des banques, de soutien de l’activité, grâce à laquelle on voit commencer un début de croissance économique. Mais naturellement nous ne sommes pas au bout en ce qui concerne le chômage, parce qu’il y a des décalages dans la machine économique entre les différents effets.
Première clé : les décisions du G20, où la France a joué un rôle important ont été une réponse pour créer de nouvelles formes de régulation. Est-ce que ces réponses seront suffisantes pour qu’au cours du siècle il n’y ait pas de résurgence de crise de ce genre, je ne sais pas, parce que naturellement entre les décisions de principe et les applications il y a toujours un certain décalage. On croyait bien contrôler les banques aux Etats-Unis et il s’était créé un système bancaire parallèle et des mécanismes financiers que je ne décrirais pas, font naturellement que les banques qui croyaient avoir un bilan de virginité totale, parfaitement propre, avaient en fait donné des cautions ou des engagements à des institutions extraordinairement fragiles ce qui fait qu’elles ont reçu le choc du « tsunami » en retour extrêmement vite.
Deuxième type de crise : nous sommes dans une période où la raréfaction progressive de certaines ressources et d’autre part les émissions de gaz à effet de serre, me font penser que nous allons faire face à une modification du climat et que nous aurons à lutter contre le changement climatique. Phénomène global par nature, puisque que naturellement chaque pays ne contrôle pas son climat. Ce phénomène va demander, cette fois, une lutte sur des décennies, peut-être même que ce phénomène ne sera maîtrisé qu’au début du 22ème siècle. Pourquoi ? Parce qu’il impose évidement un changement de la place que l’on donne aux différentes sources d’énergie
dans nos consommations, combustibles fossiles, au nucléaire, aux énergies renouvelables, parce que ceci implique des développements technologiques, Tout le monde clame « vive le Solaire, nous auront le Solaire », ils oublient que le développement du photovoltaïque qui est une des formes les plus intéressantes de l’utilisation de l’énergie solaire demande des progrès techniques considérables pour que les coûts soient très fortement diminués par rapport aux coûts actuels et je suppose aussi des changements de comportement des individus, des entreprises, des systèmes de protection sociale puisque dans certains pays l’un des moyens trouvés pour redistribuer le revenu, le plus commode, c’est de subventionner l’énergie ou de la rendre quasi gratuite, alors qu’il faut continuer à redistribuer par des formes qui ne soient pas l’utilisation privilégiée de l’énergie.
En Inde par exemple les tarifs de l’électricité sont très sensiblement inférieurs aux coûts.
Vous voyez bien que ce deuxième modèle de crise est du type Résistance à long terme, cette détérioration grave du climat.
Troisième type de crise mais là je peux être bref, dans tout système politique et économique mondial, il y a des crises ethniques, des crises dues à des luttes idéologiques, à des luttes religieuses, à des guerres civiles, des guerres interétatiques, au terrorisme, à la piraterie, et naturellement le 21ème siècle ne sera pas exempt de crises de ce genre qui prendront des formes nouvelles puisque que l’on a redécouvert la piraterie qui n’était pas un élément majeur des problèmes et que la délinquance internationale est évidement beaucoup plus diversifiée et importante qu’elle ne l’était autrefois.
Nous sommes en face de ces trois types de crise et naturellement ces trois types de crise, la solution qu’on leur apporte conditionne évidement les structures sociales, la lutte contre le chômage, la lutte pour la croissance et le niveau de vie, dans lequel la bonne nouvelle des dernières décennies, c’est qu’un quart de l’humanité, pour simplifier la Chine et l’Inde mais il y aussi la Corée, le Viêt-Nam et d’autres pays, sont entrés dans une phase de développement économique donc nous avons l’espoir que lentement, progressivement, très lentement, puisqu’il reste encore des problèmes en Afrique en particulier. Voir la pauvreté représentée peut-être la même fraction de la population mondiale mais diminuée très sensiblement en pourcentage.
Quelles attitudes demande cette situation ? C’est par là que je terminerai.
La première attitude c’est de s’informer et de jamais perdre de vue les ordres de grandeur, soit dans le temps soit dans l’espace. La France est un pays important, elle représente néanmoins 1 % de la population mondiale. Imaginez-vous la disparition de la France, comme si dans un village de 500 personnes une famille de 5 personnes s’intoxique à l’oxyde de carbone, et qu’il y aurait 5 morts il en resterait évidement 500 moins 5. Je ne dis pas que l’importance de la France est de cette nature parce qu’il y a son passé, la capacité intellectuelle de sa population, mais il faut avoir conscience de ça.
Quand on parle de durée également il faut il ne faut pas oublier non plus que le climat actuel s’est établi vers 10 000 avant notre ère et qu’avant il y a eu 5ou 6 milliards d’années de vie de la terre qui se sont passés.
Dans cette période il y a eu des destructions de faune, notre espèce est apparue après s’être séparée il y a quelques millions d’années de l’espèce qui a donné naissance aux chimpanzés et aux grands singes, elle est apparue il y a à peu près 150 000 ans. Et par ailleurs naturellement nous sommes face aux nanosecondes, nous intéressons aux nanotechnologies, et à des durées de cet ordre.
Quand la presse nous explique qu’une maladie fait tant de morts par jour dans le monde, tout le monde se dit « c’est absolument désastreux » c’est évidement désastreux parce qu’on ne vous rapporte jamais le chiffre aux 6 à 9 milliards d’individus de la première moitié du 21ème siècle. Il est donc important de garder toujours ce chiffre en mémoire. S’informer au moment où on est sur informé c’est une nécessité pour tous les citoyens en particulier je le dis à tous ceux qui sont jeunes ici, et de ne pas croire immédiatement ce que racontent les médias, j’ai été directeur du journal Le Monde,
Par exemple en ce moment sur le changement climatique l’attitude de la Chine ou de l’Inde c’est de dire « nous, nous sommes en pleine période de croissance, nous avons besoin de consommer plus d’énergie, vous, vous avez eu votre croissance dans le passé, vous jouez un rôle très important dans les émissions existantes déjà de gaz carbonique » et naturellement la réponse n’est pas celle de George Bush : « le niveau de vie américain n’est pas négociable ». La réponse est évidement de dire « nous comprenons que les hiérarchies de priorité ne sont pas les mêmes autour du monde mais le climat est un bien collectif et il faut que tout le monde fasse des efforts compte tenu de sa situation ».
Donc deuxième attitude une attitude de compréhension.
La troisième attitude c’est d’être ouvert aux compromis, ce qui ne signifie pas être naïf ! Donc que l’humanité comme toujours devra œuvrer dans un mélange de coopération et de conflit tout au long du siècle, ce n’est pas nouveau c’est une constante de l’histoire du monde.
Etre ouvert au compromis ne veut pas dire non plus que l’on ne tient pas compte de ses intérêts propres, des responsabilités que nous avons vis-à-vis de nos propres descendants.
Je pense qu’il est important de combiner ces différentes attitudes et c’est peut-être la forme que devrait revêtir l’esprit de Résistance de nos anciens, moi je suis juste à la frontière, puisque j’avais 14 ans en 1945. Je ne suis pas tout à fait à l’âge de ceux qui avaient été immédiatement plongés sous cette forme là dans la Résistance mais je pense que c’est bien la traduction de leur message dans le situation d’aujourd’hui.
Loïc BOUVARD
Monsieur le Président vous avez évoqué tout à l’heure ce que j’ai pu faire en 1944, c’est bien peu de chose comparé à ce qu’on fait ces grands Résistants et Déportés qui sont devant nous, et je salue du fond du cœur Monsieur SUDREAU nous avons été députés ensemble et Monsieur Stéphane HESSEL nous nous retrouvons après bien des années.
Mes chers amis j’avais à peu près votre âge lorsque j’ai eu la chance, l’insigne chance, le privilège de me battre pour la libération de notre patrie.
J’étais assis tout à l’heure pas loin de ces jeunes filles et je leur demandais « pourquoi vous intéressez vous à la Résistance ? » Elles m’ont dit « oui nous avons un oncle qui était dans la Résistance, un grand père, et puis notre professeur nous a dit qu’il fallait s’y intéresser ». Comme il avait raison ce professeur et comme je suis heureux chers amis de pouvoir avec évoquer un peu la Résistance. Celle que j’ai vécu évidement, si le Président Archambault m’a demandé de participer à ce panel, c’est probablement pour vous parler de mon expérience personnelle et pas seulement pour vous dresser un tableau de la situation de la France dans le monde. D’autres le font mieux que moi, nous avons entendu avec passion les deux orateurs précédents, et dans ce domaine économique on ne saurait mieux dire que ce qu’ils ont dit.
Je vais vous livrer un petit peu de ma vision de ce qu’a été la Résistance, et de ce que j’ai ressenti et de la façon dont je peux avec vous entrevoir l’avenir. Certains d’entre vous ont seize ans, dix-sept ans, dix-huit ans, combien ceux qui sont ici – on a peint nos cheveux en blanc – combien nous vous envions car vous avez devant vous des décennies, des années passionnantes à vivre dans un monde, combien différent de celui que nous avons trouvé lorsque nous avions votre âge.
Pour moi la Résistance c’est d’abord dire « non ». C’est en second lieu vouloir et savoir se battre et enfin c’est se projeter vers l’avenir.
Je vais développer ces trois parties :
Savoir dire non c’est dire non à l’inacceptable. Le premier qui à su dire non, c’est le premier Résistant c’est le Général de GAULLE lorsqu’il a refusé précisément l’abaissement de la France par l’armistice. Je dois vous dire que le même jour, le jour de l’armistice, mon propre père qui était officier dans l’armée de l’air a démissionné pour créer le « service de renseignement de l’armée de l’air » qui travaillait pour les Alliés, d’abord en zone libre puis ensuite a partir de 1942 en Afrique du Nord. Vous savez tous combien on peut être influencé par ses parents, évidement. L’exemple de mon père nous a beaucoup influencé mes sœurs et frères et moi, pendant ces années. Je dois vous dire que nous sortions d’une terrible épreuve : l’occupation. Nous avons vu la France complètement effondrée, la France exsangue, occupée par l’armée allemande. Voir l’armée française en déroute en 1940 un jeune de onze ans n’oublie jamais. Se battre en 1944 pour essayer de libérer du territoire c’est la réponse à cette humiliation.
Donc la Résistance c’est d’abord ne pas accepter l’inacceptable, c’est-à-dire que la France soit dépecée, soit occupée, soit envahie et soit soumise en quelque sorte. Retenez bien ça l’esprit de la Résistance c’est savoir s’opposer, relever le gant et avec beaucoup de détermination se battre s’il le faut.
Il y en a d’autres qui on su dire non, regardez un CHURCHILL qui a relevé le gant face à Hitler. Regardez aussi tous ceux – ils sont là – qui ont pendant des années œuvré dans l’ombre, il y avait ceux qui étaient à l’extérieur « la France Libre » autour du général de GAULLE, et la grande figure de Jean MOULIN qui essayait d’unifier la Résistance à l’intérieur, qui a été pris, torturé, qui est mort sous les tortures des Allemands. Le général de GAULLE et Jean MOULIN ce sont les deux figures de la Résistance et il ne faut jamais les opposer elles travaillaient ensemble. D’ailleurs je l’ai vu, je l’ai compris en 1944 dans le maquis breton nous avons accueilli les parachutistes du colonel BOURGOIN, les fameux bérets rouges, vous en avez entendu parler. D’ailleurs par la suite le colonel BOURGOIN a été Député. Ils sont venus pour libérer la France pendant toutes ces soirées, toutes ces nuits, nous les voyions arriver les parachutistes de la France Libre et nous nous étions les maquisards, et nous avons travaillé ensemble.
La première réponse c’est dire « non » s’opposer à ce qui n’est pas acceptable.
Regardez ce qui s’est passé depuis la guerre, le pacte atlantique c’était dire non à l’U.R.S.S.qui menaçait de nous envahir et nous nous sommes unis face précisément à cette menace. Je dois dire que je suis député depuis 36 ans j’ai eu l’insigne honneur de présider l’Assemblée parlementaire de l’O.T.A.N. qui a joué un rôle considérable en préservant notre liberté, notre façon de vivre nos valeurs face à la menace de l’Empire Soviétique et du communisme.
Pour le deuxième point, se battre, je dois dire que ce que j’ai vécu m’a profondément marqué, car il faut savoir risquer et même offrir sa vie pour défendre sa patrie. Je voudrais vous transmettre ce message « l’esprit de défense » Vous pourrez avoir dans vos vies la nécessité de revendiquer cet esprit. Nous nous sommes battus dans la Résistance. Nous avons retrouvé les parachutistes de la France Libre, je voudrais un peu avec vous, vous faire comprendre ce que nous ressentions, à cette époque là, il y avait une unité extraordinaire entre nous, une espèce d’euphorie, nous nous battions parce que nous avions une cause sacrée qui était de libérer la Patrie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui évidement. Le monde est entièrement différent. Nous avions été humiliés, nous relevions la tête et nous allions nous battre et nous avons participé à la libération de notre pays. Dans cette union de la Résistance avec la France Libre nous avons complètement dépassé tous les clivages, le clivage politique, le clivage religieux, il y avait cette unité, cette camaraderie entre les combattants pour une cause qui nous était chère et qui était la libération de notre pays. Rappelez-vous, l’esprit de la Résistance c’est se battre en dépassant tous les clivages et toutes les différences une sorte de fraternité dans le combat.
Je pense que nous avons deux leçons à tirer de cela la première c’est que l’on se bat bien et avec force et détermination lorsqu’il s’agit de libérer son pays de l’occupant. Depuis la guerre nous avons connu un certain nombre de conflits qui étaient des conflits de libération de peuples, je pense à l’Indochine, je pense au Viêt-Nam, à l’Algérie. Tous les sacrifices de ces combattants, de ces terroristes. Aujourd’hui l’Afghanistan, dans ce pays il ne faudrait pas que nos troupes apparaissent comme des troupes d’occupation et que les Talibans – nous sommes dans le présent – apparaissent comme des libérateurs de leur pays. Alors que nous nous battons contre des gens qui prônent le terrorisme. Il faut faire très attention quand on se bat pour libérer son pays on se bat jusqu’à la mort et nous avons des exemples dans toutes ces guerre où nous avons affronté des terroristes. J’ai été un terroriste, nous étions des terroristes.
J’ai beaucoup aimé la formule « les faibles contre les forts ». Nous avons en face de nous maintenant des terroristes, il faut savoir séparer ceux qui luttent pour la libération de leur pays et ceux qui propagent le terrorisme international, ce n’est pas la même chose. Je mets un bémol la dessus, il faut faire très, très attention. D’où la difficulté en ce moment que nous avons, nous les alliés, en Afghanistan.
L’O.T.A.N. est présent en Afghanistan et confronté à des gens qui se battent à la fois pour leur pays et également avec un idéal qui est contraire au notre. Les valeurs que nous représentons, nous l’Occident, elles ne sont pas forcément partagées par tous les peuples dans ce monde, dans cette globalisation dont nous parlions. Il est très difficile d’exporter la démocratie telle que nous la connaissons. Nous devons prendre en compte les valeurs des autres peuples.
Nous en arrivons au monde d’aujourd’hui qui est le votre.
La Résistance c’est également se projeter dans l’avenir pour construire un monde meilleur. Nous avions en 1944 un idéal de libérer notre pays pour faire quelque chose de ce pays. Nous avons construit la France pendant des années et des années. On a dit tout a l’heure que la 4ème république avait été un échec, c’est vrai, mais il y a eu la reconstruction de ce pays, c’était très difficile. Les Résistants ont fait passer un message. Il n’y avait pas que du négatif dans la 4ème république. Aujourd’hui nous sommes dans un monde entièrement différent qui n’a rien à voir avec la France humiliée. Vous êtes à l’orée de vos vies sur cette petite planète qui est complètement rétrécie du fait de la communication ultrarapide et des moyens de télécommunication.
Cette nuit en 5 heures et demie j’ai été de New-York à Paris, plus ensuite 2 heures et demie entre Roissy et le centre de Paris.
Pour votre avenir il est absolument essentiel que vous ayez un objectif. Nous avions pour objectif de reconstruire la France. Je dois vous dire que si je me battais contre les Allemands en 1944, dès 1949-1950 je militais auprès d’Henri FRESNAY dans le mouvement « l’Union Européenne des Fédéralismes » et le mouvement « Jeune Europe ». Vous me voyez venir, l’idéal pour vous c’est évidement de construire l’Europe. Il faut avoir un idéal, il faut avoir un objectif, notre objectif était de construire la France, vous, votre objectif doit être de compléter cette construction européenne. Nous avons déjà mis 50 ans à progresser vers une Union Européenne qui puisse s’imposer dans le monde. Malheureusement le travail n’est pas terminé, ce sera à vous de prendre la relève. J’espère que d’ici 20 ans l’Europe ne sera pas seulement une addition de nations et de peuples mais vraiment un continent uni qui pèsera encore plus dans le monde. N’oubliez pas que nous sommes 500 millions et qu’aujourd’hui pour notre défense nous dépendons encore beaucoup des 300 millions d’Américains, et de leur puissance militaire. La construction européenne est, pour moi, essentielle et je crois qu’elle le sera aussi pour vous. C’est un objectif qui est à votre portée, c’est un objectif valable. Qui va nous permettre dans un monde où nous voyons des géants la Chine, l’Inde et d’autres pays…. Au sein d’une union occidentale ou ce que j’appelle l’union transatlantique entre les Etats-Unis, le Canada et l’Europe nous devons pouvoir peser dans les affaires du monde.
La France est un très grand pays KISSINGER vient de dire « la France est un des seuls pays avec l’Amérique qui ait une vision stratégique ». Je suis toujours étonné lorsque je voyage dans le monde de voir a quel point la France en dépit que nous ne soyons que 65 millions sur 6 milliards et demi la France a un message, elle est porteuse de valeurs qui sont respectées dans un très, très grand nombre de pays. Un simple exemple j’étais en Uruguay, il y a quelques années, dans le bureau du Président du Sénat de ce pays il y avait le buste de CLEMENCEAU.
La France essaime, la France a un message à donner au monde, à travers l’Union Européenne nous pouvons faire de très, très grandes choses.
Je terminerai en vous disant que nous pouvons nous ouvrir aux autres, en préservant, en nous arcboutant sur le soc de nos valeurs, de notre héritage, de notre culture, mais surtout en ne renonçant jamais
Hervé MARITON
Ancien Ministre, député de la Drome
J’ai toujours quelque pudeur et quelques hésitations quand le mot Résistance est sollicité. Il y a évidement une grande différence entre Résistance avec une majuscule et résistance sans majuscule. Il ne vous a pas échappé que les mots sont parfois usés et parfois abusés. Il y a quelques années ce sont les intermittents du spectacle dans un conflit social où leur opposition avait sa légitimé rythmaient leur manifestation du cri de « Résistance ». On voit souvent dans le débat social, dans le débat politique aussi, le mot utilisé avec la volonté de confondre le R majuscule et le r minuscule, chacun sait ici que ce n’est pas la même chose. La question qui nous est proposée aujourd’hui m’amène juste à dire, quand on réfléchi à ce qu’est la force que les difficultés et les succès de la Résistance ont apporté à notre pays. C’est toujours un message d’immense respect, c’est aussi cette idée évoquée tout à l’heure, la Résistance puisait dans l’histoire et en même temps elle cherchait à agir. Elle cherchait aussi à tracer des voies nouvelles. Donc un rappel en bien des circonstances de l’histoire sans doute moins grandes en tous cas moins tragiques qu’il faut toujours avoir en l’esprit la fierté et l’invention. Refuser la soumission. Y compris dans une période de crise et quand on cherche la renaissance, Refuser la soumission à la fois au destin, aux drames, aux évidences et aux bulles. Il peut y avoir des bulles financières. Il peut y avoir des bulles intellectuelles. Il peut y avoir des bulles politiques. Comment est-ce qu’on trouve une bulle ? Assez souvent je pense et il faut avec un r tout petit résister à cela, lorsque l’unanimité pourrait faire croire qu’il y a une solution qui s’impose. Quand il y a unanimité cela vaut la peine de gratter un peu pour voir ce qu’il y a derrière cela. Y compris, mon voisin a évoqué dans les trois séries de crises, les crises écologiques, pour faire bref, y compris dans ce sujet là, sur un certain nombre de solutions qui sont proposées, probablement nombre d’entre elles sont fondées, utiles. Mais il vaut la peine de gratter un peu pour savoir ce qu’il y a dedans. Sauf qu’à un moment la bulle éclate, le consensus disparaît et on constate qu’on recule davantage que d’avancer. De manière un peu enflée, je dis souvent, je crois que c’est important, pour Loïc Bouvard et nous tous ici qui avons fait de la politique, nous tous ici citoyens attentifs à notre vie, que notre engagement de citoyen c’est bien d’écrire l’histoire, je l’ai dit bien des fois, je le redis là, considérez qu’il n’y a pas de sens de l’histoire mais qu’il s’agit pour nous de donner un sens à l’histoire. C’est une modeste responsabilité de chacun d’entre nous. Résister et refuser la soumission c’est être fort mais être fort à sa manière. Il y a quelques mois je discutais avec le Président Israélien Shimon Pérès, c’est à l’occasion d’une visite que celui-ci rendait en France et à Lyon. Shimon Pérès venait de faire un discours dans lequel il avait exalté la France de la Résistance Lyon, Il est revenu s’asseoir à table et j’ai eu la chance d’être a côté de lui. Je lui ai demandé « Monsieur le Président vous savez sans doute qu’en France il y avait pendant la guerre, je suis né bien après la guerre, mais je comprends bien cela, il y avait beaucoup de Français qui n’étaient, ni collaborateurs, heureusement, ni Résistants cependant ». Shimon Pérès me dit « oui ! oui ! je sais très bien cela », Shimon Pérès connaît très bien la France, je ne sais d’où vient cette image, il me dit « quand dans un seau vous le remplissez avec beaucoup d’œufs, vous mettez une pierre, vous agitez le seau au bout d’un certain temps avec certitude, c’est la pierre qui gagne » La fermeté de la conviction, la fermeté de l’analyse, la fermeté de la volonté, est plus forte que bien des œufs.
En face des crises en face desquelles nous sommes et pour prendre la description des catégories assez proches de celles de Jacques Lesourne :
Crise économique, cette crise économique nous pose sur le partage de la valeur non au sens des valeurs sur lesquelles nous travaillons souvent mais au sens de la valeur économique. Je discutais avec un journaliste tout à l’heure d’un amendement, je donne des exemples immédiatement dans l’actualité politique, que nous aurons les heures, les jours qui viennent à l’Assemblée Nationale sur l’éventuelle augmentation des Impôts des sociétés des banques. Une des justifications de cet amendement c’est bien la réflexion sur le partage de la valeur, ce n’est pas la valeur au sens où mon exposé était prévu et au sens où nous l’entendons là. Mais c’est important pour dire que la crise nous amène à réfléchir à un autre partage de la valeur au sein du monde économique et que
sans vouloir opposer la finance et l’économie réelle, ce qui n’aurait pas beaucoup de sens, il y a cependant probablement aujourd’hui un partage de la valeur qui ne se fait pas très bien et au fond le mot valeur en réalité a sans doute là les deux sens. Partage de la valeur économique et c’est aussi valeur ce qui se joue derrière.
Crise économique, crise écologique, ce que disait Jacques Lesourne est exact, j’y ajoute un point, dont je crois le gouvernement aujourd’hui est assez bien conscient, mais il ne le dit pas assez à mon point de vue, c’est que la crise qui peut se trouver devant nous crise des ressources, crise du climat est une crise qui s’y nous n’y prenons garde peut conduire à des décisions un jour, qui du fait de l’ampleur des enjeux, des urgences, soient des décisions qui ne puissent plus être prises dans un cadre démocratique. Il est important que notre réponse à la crise, soit une réponse apportée en préservant les valeurs de la démocratie. Cela exige alors une capacité et un calendrier de décisions.
Pour répondre à la crise il faut avoir un peu de conception et un peu de valeurs, je le disais sur la crise économique, je le disais sur la crise écologique, plus largement. Nous voyons aujourd’hui un certain nombre de dégâts conjoncturels, écologiques, de difficultés historiques. En même temps nous sommes en train de régler les réglages fins, techniques de la sortie de crise. Que nous n’en sommes pas à payer l’ardoise en termes de déficit public.
Nous ne sommes pas encore à en écrire une stratégie de l’après crise. Sans doute il faudra alors modifier fortement un certain nombre de politiques publiques. Si nous voulons le faire dans des conditions qui n’écrasent pas les convictions, les valeurs, les références, il est important que nous sachions où nous sommes.
Dans le débat politique il peut être tentant d’opposer les progressistes et les conservateurs. L’autre jour Le Monde parlant de moi disait « le très conservateur Hervé Mariton » je ne crois pas nécessairement comme une insulte, je ne crois pas être conservateur au sens où la journaliste l’évoquait, elle m’a dit qu’elle avait cherché un adjectif pour me qualifier, c’est aimable. Je fais partie de ceux qui considèrent, c’est assez banal, je trouve qu’en France on ne le dit jamais assez, que pour savoir où on va, il faut savoir où on est et d’où on vient.
Assez souvent quand je reçois des gens je leur pose de manière très directe,, cela peut paraître curieux, mais c’est une manière d’avancer et de se connaître réellement et pas faire semblant, comme il ne faut pas faire semblant de régler les problèmes. Je leur demande « OK !, vous venez me parler d’un certain nombre de choses mais qui êtes vous et d’où venez-vous ? » Je le leur dis aussi simplement et aussi directement que cela car c’est ainsi que l’on peut connaître les gens et pas seulement faire semblant.
Donc il est important si nous voulons que demain notre pays ne soit pas agité sur l’Océan, tout sauf pacifique, de la réponse à la crise écologique, de la réponse à la crise financière, de la réponse à la crise économique, de la réponse à la crise budgétaire, il faut que nous ayons un certain nombre de valeurs pour éviter que la réponse soit individualiste, chacun cherchant à se protéger. L’autorité publique cherchant à répondre à des demandes individuelles comme si gouverner un pays c’était répondre à des demandes de consommateurs. Il me semble qu’il y a une différence importante entre citoyen et consommateur. Faire en sorte aussi de ne pas être mené par le bout du nez au fil des bulles que je décrivais tout à l’heure. Le faire évidement avec un grand sens de l’ouverture et de la curiosité, de la connaissance internationale. Internationale et régionale c’est-à-dire Européenne.
Je suis très frappé qu’aujourd’hui nous réfléchissons beaucoup aux progrès de la gouvernance mondiale le G20 et que nous sommes extrêmement courts sur les questions de la gouvernance régionale. Le pacte de stabilité est mort 3% de déficit 60% de dettes, tout ça n’ plus beaucoup de sens aujourd’hui. Qui réfléchi et qui parle actuellement de ce que peut être la gouvernance européenne demain Maastricht est mort que se passe-t-il après Maastricht ? Personne n’en parle. Il faut évidement beaucoup de curiosité dans l’espace et il faut aussi une certaine curiosité dans le temps.
Un de nos collègues, et pas le moindre, le Président du groupe UMP Jean-François Copé, dans une interview au Monde ce week-end, évoquait les questions de l’identité nationale prouvant qu’au fond dans la crise des valeurs et dans les tentatives de réponse à la crise des valeurs aujourd’hui on apportait peu de réponse sur ce sujet. Je crois qu’il est important de poser cette question et Jean-François Copé a raison de poser cette question. Je crois, il ne m’en voudra pas, que je le dise, qu’il n’apporte pas complètement la réponse et moi non plus, le sujet est immensément difficile. Cela a été dit tout à l’heure il faut que nous ayons à cœur et c’est une des forces de la Résistance avec un grand R, de n’avoir jamais oublié le message universel de notre pays.
L’Universalisme français ce n’est pas aussi évident que cela. J’ai beaucoup d’amitiés pour Jean-Pierre Raffarin mais quand sans beaucoup de détails se fait l’ambassadeur systématique des autorités chinoises en France je trouve parfois qu’une partie de notre message d’universalité est oublié. Quand nous assumons ce qui s’est passé en Géorgie l’été dernier probablement nous assumons ce qui était inévitable mais quand au delà d’assumer ce qui était inévitable nous en tirons fierté, je crois qu’il y a une part du message universel de notre pays qui est un peu oublié.
Je veux ajouter, en revenant sur l’interview de Copé dans Le Monde. Quand Jean-François Copé dit « ça n’a beaucoup plus de sens de dire nos ancêtres les Gaulois » Quand cela n’a plus de sens de faire référence à des dates historiques et comme le Président de la République l’évoque souvent « 1793, cette France complexe à la fois monarchique et régicide » Je ne suis pas tout à fait d’accord parce que la Résistance, si je comprends bien, c’est la capacité à comprendre la France dans sa diversité on rappelle beaucoup actuellement « l’affiche rouge ». C’est la capacité à inclure tous les Français. Tous les Français dans leurs opinions, dans leurs philosophies, dans leur ancienneté, c’est une compréhension très large de la France qui ne se réduit pas ou ne se résume pas au territoire de l’hexagone. Et en même temps je suis moi-même comme beaucoup d’autres pas complètement et pas parfaitement gaulois, si cela a un sens. Mais j’assume pleinement le fait qu’il y a des cas d’identité nationale, ce n’est pas simplement un contrat d’identité nationale ce n’est pas simplement une adhésion de celui qui dit « cela me va, et j’accepte et je signe ». Il ne s’agit pas simplement de signer, il y a des choses qui nous dépassent. Il y a un pays avec une inscription géographique, il y a une histoire. L’histoire ne se fait pas sans dates, il y a des dates. Il y a dans cette histoire un passif et des moments de drames, et parfois de honte, il y a un actif et des moments de gloire et de fierté.
Je crois que c’est important que c’est important qu’on ait tout ça en tête. Quand dans la crise aujourd’hui et qu’il ne faut pas oublier qu’il y a une crise de l’identité nationale, oui ! Il faut répondre à cette crise d’identité nationale en mobilisant tout un travail, toute une réflexion sur les valeurs cela me paraît indispensable, mais le fait même de travailler sur l’identité nationale ce n’est pas un témoignage de valeurs en tant que tel. Il faut regarder le contenu qu’on met dans le travail sur l’identité nationale je pense qu’alors la référence historique est tout à fait essentielle.
On ne refait pas la Résistance à tous les carrefours de l’histoire et à chaque moment et à chaque difficulté qui se passe, ce serait à la fois outrancier, irrespectueux et dans le fond pas très efficace vu comme cela. Mais il faut constamment mobiliser ce qui est dans notre pays, dans sa géographie, car un pays c’est une identité nationale, une idée politique mais c’est aussi une identité physique, pas au sens étroit du terme, mais il y a une physique du pays c’est aussi une identité historique, parce si tous nos ancêtres, si tous mes ancêtres, ne sont pas nés en Gaule et de très loin, pour autant je me considère comme pleinement Français, en considérant en même temps que si cette histoire n’a pas toujours été celle, à un instant donné, de mes ancêtres, cette histoire est cependant toute entière la mienne.
Je pense que c’est cette réflexion qu’il faut que nous ayons. Je pense que d’autres de manière plus forte, plus intense, l’ont vécu à de grands moments.
Il ne faut jamais prétendre à trop de comparaison parce que je pense que l’outrance ne sert ni ceux auxquels on veut et on vaut mémoire ni ceux qui veulent s’’en inspirer. Mais en même temps rappeler qu’il y a des moments forts des moments grands. Il y a des hommes, des femmes, il y en a ici qui on servi ces moments difficiles je crois que cela peut et doit nous inspirer.
Mon discours cet après midi évoque les crises. Cela permet aussi de relativiser les choses. Nous devons mesurer la difficulté de la tâche, l’importance des enjeux auxquels nous devons répondre. On peut aussi mesurer que dans l’histoire il y a eu, qu’il y a, qu’il peut y avoir, des moments plus intenses.et plus tragiques encore, mais cela ne nous dispense pas d’essayer de nous inspirer des meilleurs choix et de célébrer tous ceux qui les ont accomplit car les valeurs elles s’incarnent aussi par les Résistants. Il n’y a pas des Résistants à chaque heure, tout le monde n’est pas Résistant, il n’y a pas toujours des enjeux de Résistance. Il y a des Résistants qui ont écrit de belles pages sur de grandes choses et sur des choses plus modestes, il est heureux de pouvoir s’en inspirer.
Maître Francis TEITGEN, ancien bâtonnier de Paris
Regardons-nous, nous dans cette salle Colbert, l’initiateur de la nation moderne. Au sein de l’Assemblée Nationale institution forte de notre République qui se renforce encore et qui je crois n’est plus en danger. Regardons-nous, un instant, il y a Pierre Sudreau, Stéphane Hessel, Loïc Bouvard, ces hommes sont des héros, Ces hommes se disent aujourd’hui « voilà, quand l’histoire était dure, quand l’exigence était extrême, j’étais là » Il y eux, il y en a beaucoup d’autres vivants ou morts, connus ou obscurs, ceux dont on ne dit jamais les noms mais qui sont dans cette histoire là. Peut-être pas les chefs mais en tout cas les soldats peuvent être même là.
Il y a ma génération, née après la guerre, c’est la génération des trente glorieuses, génération qui avait dix-huit ans en mai 68. Pour qui la vie était à la fois facile et étrange et à certains moments un peu cruelle parce que l’on y comprenait plus rien et puis il y a vous.
Et nous sommes tous là ! Vous vous êtes ici parce que vous êtes intéressés par cette histoire. Vous vous posez la question, que je me suis posée, pas dans les mêmes termes. Je me suis posé une question simple « Dis-moi Francis ! Dis-moi Francis ! Aurais-tu été un héros ou un salop ? » Je n’ai pas la réponse.
Le fait d’être le fils de quelqu’un ne vous donne aucune espèce de droit de prétendre d’être dans un compte ou dans l’autre. Vous, cette histoire est loin, et cette question vous ne vous la posez pas. Et vous avez raison de ne pas vous la poser car c’est une mauvaise question. La question que vous devriez vous poser et que j’aimerai essayer de vous aider à vous poser, à défaut de vous aider à y répondre. C’est « dans le fond qu’est-ce que ceux-là nous ont laissé ? Quels types d’obligations nous ont-ils donnés en héritage ? » Car de la Résistance on hérite rien, hélas ! Si on pouvait être un héritier de la Résistance, mon dieu ! Que je serais heureux ! On hérite rien de la Résistance, vous avez raison on hérite sans doute une capacité de combattre. La question c’est « on combat contre quoi ? On combat contre qui ? Et on combat comment ? On combat également pour qui ? » Moi je dois vous parler d’un héritage moral, face à une crise de civilisation. Allez ! Acceptons comme acquise la crise de civilisation. Voila il y a une crise de civilisation, on a parlé de la crise économique, il y a sans doute une crise morale, il y a certainement une crise morale. Je suis assez étonné par ces étranges polémiques qui visent à la fois Frédéric Mitterrand et Jean Sarkozy, il me semble qu’il y a là une crise morale. Je ne suis pas juge, moi je suis avocat, je m’interdis de juger, trop difficile pour moi. Je pense qu’il y a une vraie crise morale je ne sais pas comment la traiter, cela ne m’importe pas, simplement je constate que le peuple, oui, le peuple de ce pays, mène cette crise comme étant une crise essentielle. Qu’on cesse de lui raconter des histoires mais peut-être qu’à certains moments la crise morale est plus importante que le chômage. Peut-être qu’à certains moments les Français se disent « je vis dans un pays en crise et ce n’est pas simplement parce que je n’ai pas de boulot qu’il est en crise, c’est aussi parce que ici et là les puissants ne se comportent pas comme ils devraient le faire ». C’est peut-être ensemble, sur cela, ce quoi on peut essayer de s’arrêter un instant.
Moi je crois, que l’héritage moral de la Résistance, il est un héritage de valeurs, parce que fondamentalement les Résistants ils sont comme vous, divers dans leurs origines, à la fois sociales et géographiques, ils sont divers dans leurs convictions politiques, divers dans leurs convictions religieuses, y compris sans doute divers dans leurs convictions républicaines. Il y en a eu certains dont le républicanisme était incertain et qui ont été des vrais Résistants.
La question n’était sans doute pas de sauver la République, la question était de sauver la France. Pour d’autres peu importait sans doute que l’on sauvât la France il fallait sauver la République et pour les troisièmes il fallait sauver la démocratie et c’était encore évidement une autre histoire. Ils étaient divers et pourtant, vous l’avez tous dit, ils ont combattu ensemble, mais ils ont combattu pourquoi ? Ils ont combattu pour refuser l’inacceptable qui était probablement une exigence de rigueur dans les valeurs.
Mon père était, curieusement, professeur de Droit constitutionnel, il avait commencé son premier cours sous l’occupation en disant « Je ne peux pas faire un cours de droit constitutionnel sous le régime de Vichy, parce que j’ai fait un cours de droit constitutionnel, et que le régime de Vichy ce n’est ni du droit, ni constitutionnel, nous allons donc parler d’autre chose ».
C’était une manière de venir dire simplement un prof. comme vos profs, venir dire à un moment voila au nom au nom de la matière que j’enseigne, au nom du message que je vous transmets à vous, à vous qui êtes mes enfants au nom de ce message que je vous transmets à vous je n’accepte pas un certain nombres de choses. Alors qu’est-ce que je vais faire ? Je vais vous dire d’abord ce que je n’accepte pas, d’abord je vais vous dire que je n’accepte pas, je pense qu’il est du rôle essentiel des politiques, des journalistes, pourquoi pas des avocats, en tout cas des intellectuels, des ouvriers enfin de tous ceux qui peuvent un jour parler en leur nom ou celui des autres, de venir dire « Je n’accepte pas » Je n’accepte pas pour mes convictions mais surtout en raison de quelque chose qui est au dessus de moi, qui me transcendance. Je crois qu’il y avait dans cet acte de résistance qui venait dire « je ne vous enseigne pas ce qui est ni du droit ni constitutionnel, parce que je suis un prof. de droit constitutionnel ». Une manière de venir dire « vous avez comme moi la possibilité de refuser, vous n’êtes pas obligés, personne ne vous y contraindra »
Aucun de ces hommes là n’a jamais exigé de personne d’être un héros – sauf votre maman Loïc Bouvard – Je disais tout à l’heure à Loïc Bouvard qui est le plus heureux des deux, est-ce la mère ou est-ce le fils ? C’est difficile pour un fils d’oser demander à sa mère « maman ! Maman est-ce que tu m’autorise à aller mourir à 15 ans » et maman lui dit « oui ! Ton père serait fier de toi »
Je félicite elle, lui et vous.
Voila ! D’abord dire non et pourquoi vous n’acceptez pas, au nombre d’un certains nombre de valeurs. Quelles sont les valeurs qui dans cette collectivité où nous sommes sont des valeurs probablement à défendre : la démocratie bien sûr, la République sans doute, la France évidement, comment j’ai traduit ça moi, je suis juriste, j’écoute les économistes avec une infinie admiration, je ne comprends pas tout de ce qu’ils disent, mais rassurez-vous quand je parle mon sabir juridique ils ne comprennent rien non plus. Je suis juriste et j’essaie de dire est-ce qu’il y a une manière, est-ce qu’il y a un héritage de la Résistance dans le droit, est-ce que ça c’est une crise de civilisation. Est-ce que le droit peut être d’une utilité ? Alors je vais tenter de vous donner quelques traductions de sens de ce que vous avez entendu tout à l’heure.
La Résistance du faible contre le fort ça une traduction juridique ça s’appelle « Primauté du droit » c’est une valeur essentielle à mes yeux, fondamentale, la valeur qui fonde la civilisation. C’est la primauté du droit. Lorsque le mécanisme juridique celui de la régulation qu’on peut prévoir à l’avance qui est démocratiquement fabriqué, en tout cas pour les droits démocratiques. Lorsque ce droit là l’emporte nécessairement sur tout conflit et notamment sur tout conflit armé. Alors vous l’accepterez avec moi l’humanité fait un progrès de géant.
Alors nous avons évitée une guerre, et la force est restée au droit. Voilà une formidable valeur je crois que la primauté du droit c’est un héritage de la Résistance. Je pense que les Résistants même quand ils n’étaient pas juristes ce qui devait au plus profond d’eux-mêmes ce qui devaient les révulser c’était l’idée que c’était la puissance des armes, la puissance de la botte des occupants qui fabrique un nouveau droit français, qui n’était ni un droit et probablement pas français non plus.
Je pense que cette primauté du droit elle s’exprime partout. Regardez ! Je vous ai donné un exemple du droit international. Regardez le droit régional elle s’est appliquée comment l’Europe à votre avis. Elle s’est d’abord fabriquée par un formidable souffle politique, et cher Hervé Mariton, ce qui nous manque, vous avez raison, aujourd’hui, ce ne sont pas des spécialistes de la complexité économique, financière ou industrielle. Ce qui nous manque aujourd’hui ce sont des hommes et des femmes qui aient du souffle et du charisme. On a besoin de politiques qui crient fort, qui parlent dur, qui parlent haut et qui aient un joli verbe. Un verbe qui nous fasse vibrer. Un verbe qui nous donne envie d’aimer l’Europe. C’est ça qui nous manque aujourd’hui ! Faisons l’Europe et faisons là comment ? Par le droit comme elle s’est toujours fait. Un formidable souffle des pères de l’Europe et puis quoi, des juristes modestes. Ils ont pris leur petit triomphe et puis ils ont écrit. Ils ont écrit quoi ces gens là ? Après la guerre, qui était d’abord la guerre sidérurgique, ils ont écrit le traité de la C.E.C.A.. Ils ont écrit le traité Euratom. Ils ont écrit le traité du Marché commun. Ils ont même eu l’envie de faire la communauté européenne de défense entre qui et qui : entre l’Allemagne et la France. C’est-à-dire que l’on fabriquait par le droit une paix profonde, une paix presque irréversible, puisque les armées étaient solidaires, les armées étaient ensemble. Je me serais battu à côté d’un jeune allemand, cela aurait été ma fierté, cela aurait été magnifique. J’aurais préféré me battre auprès d’un jeune allemand, plutôt qu’au petit matin ou le soir appuyer sur une gâchette, et me dire en face de moi il y a peut-être un type de 22 ans, il a mon âge, une fiancée, il a un avenir et c’est peut-être moi qui l’ai tué.
Le droit c’était juste pour arrêter ça. On a fabriqué ça, on a fabriqué la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et cette convention européenne des droits de l’homme ce n’est pas tout à fait rien, voila une immense arme de lutte contre une crise de civilisation. Enfin quelle que soit votre nationalité, qui que vous soyez, si vous résidez sur le territoire français de manière régulière ou non, et si un de vos droits fondamentaux est violé alors au nom de la convention européenne des droits de l’homme vous pouvez obtenir une condamnation de la République française et de l’Etat français à réparer le dommage qui vous a été causé et a vous respecter en tant qu’être humain.
Attendez ! on ne réserve même plus parce que c’est ça l’héritage de la Résistance, on ne réserve même plus la protection juridique des Etats par la protection diplomatique uniquement à ses nationaux. On réserve la protection juridique du droit international à tous et à chacun parce qu’il s’agit d’un être humain et qu’en tant qu’être humain sa dignité est absolue.
Alors vous êtes un être humain avant d’être un national. Ca c’est l’héritage de la Résistance parce qu’en effet dans les F.T.P., dans les M.O.I. et dans les partisans il y avait des gens qui ne parlaient pas français, ils parlaient Yiddish, et ceux là ils sont morts pour que nous, nous soyons libres et libre de parler comme on le veut dans une enceinte de la République.
Alors moi je vais vous dire le Français pour lequel j’ai le plus d’admiration, il s’appelle Cesare Beccaria et il est italien. Cesare Beccaria c’est quelqu’un comme vous. Je vous raconte son histoire en 3 secondes. C’est un type, lui c’est un Résistant, Cesare Beccaria il va écrire en 1766 à l’âge de 24 ans un tout petit bouquin, 124 pages in quarto « Le traité des pays et des peines » Un bouquin de droit, remarquez c’est un économiste qui écrit un bouquin de droit. Dans ce bouquin il écrit « on ne peut condamner quelqu’un que si l’acte qu’il a commis peut être considéré un crime ou un délit, on dit qu’il est présumé innocent, » 1766 ! Nous sommes en 1766. Nous sommes bien avant la Révolution française. Il dit que le suicide n’est pas un crime. Il dit que la peine appliquée à quelqu’un doit être proportionnée au trouble que le crime a causé à l’ordre public.
Voila ce que dit Cesare Beccaria c’est le fondateur du droit moderne, c’est le fondateur des principes de la Révolution française. Cet homme à 26 ans il a tellement peur quand il écrit son livre, il a tellement peur qu’il ne va pas le signer, il ne va pas mettre le nom de l’éditeur, pire que ça il a écrit ce livre à Milan et il a fait semblant que le livre était publié à Bologne pour brouiller les pistes.
Quand il écrit à son ami Very il écrit «quand j’écris ce livre, j’entends le bruit du cachot, j’entends le bruit des chaînes » Imaginez cet homme, seul, ce n’est pas un fils de famille, il est seul et il écrit et dans cet acte solitaire de l’écriture il est en train de changer le monde. Il est en train de résister à l’abomination qu’était la justice d’ancien régime. Seul il le fait et seul il va inventer tous les principes du droit moderne. Seul il va fonder les principes de la Révolution française. Seul il va inventer en réalité ce qui est contemporain aujourd’hui chez les lumières. Il y a une personne au monde qui l’aime autant que moi, même peut-être plus : Voltaire. En effet Voltaire va vouloir rencontrer Beccaria en lui disant « Monsieur je voudrais que vous corrigiez le Mémoire du Chevalier de la Barre que j’écris pour sauver la tête du Chevalier de la Barre » Voltaire ! Le grand Voltaire ! Devant ce gamin de 26 ans. Vous êtes des Beccaria, allez soyez sympa, soyez des Beccaria !
Le Président Pierre SUDREAU
Je suis aujourd’hui très impressionné, par le climat et par l’ambiance et je tiens à remercier Monsieur Archambault d’être l’initiateur de ce genre de réunions qui sont essentielles pour la transmission des vérités historiques et en même temps de faire passer des messages aux jeunes générations. Cette réunion à lieu dans un lieu historique il est excellent que dans l’ambiance de l’Assemblée Nationale un certain nombre de vérités soient dites. Je voudrais aussi remercier les différents orateurs qui ont élevé le débat dans des conditions exceptionnelles. J’ai l’habitude de ce genre de réunion mais j’ai rarement entendu des exposés aussi bons, aussi élevés et aussi importants, pour l’avenir.
Je crois que ce genre de réunion est fondamental et je regrette qu’une seule chose qu’il n’y ait pas évidement beaucoup d’Archambault en France, et qu’il n’y ait pas plus de réunion de ce genre. Vraiment il faudra continuer et faire en sorte qu’on puisse faire passer des messages.
L’histoire est un bon véhicule, mais l’actualité doit faire l’objet d’analyses strictes, essentielles pour les jeunes générations.
Le Président Jacques VISTEL
Pour faire une synthèse de la réunion je regrette l’insuffisance du dialogue avec la salle. La synthèse que vous me demandez, m’incite à beaucoup de modestie ce serait de faire la synthèse des interventions très profondes, brillantes et importantes que les personnalités de la tribune ont faites tout à l’heure, tout au court de l’après midi. J’aurai aimé avoir un peu plus de va et vient entre la tribune et la salle.
Pour en revenir à Mémoire et Espoirs de la Résistance donc à François Archambault, une réunion comme celle-ci entre évidement à plein dans la mission de la Fondation de la Résistance.
Nous devons en tant que Fondation de la Résistance veiller à la Mémoire. Mais veiller à la Mémoire c’est, pour moi, faire qu’elle soit vivante. Donc aujourd’hui nous nous posons la question « en quoi le message de la Résistance est vivant ? » notamment dans la crise que nous connaissons. Je crois que les exposés qui ont été fait d’abord par M. Baverez et par M. Lesourne montrent bien combien le contexte dans lequel nous vivons et à fortiori le contexte dans lequel vous allez vivre votre 21° siècle est très éloigné de celui de la Résistance avec des phénomènes entièrement nouveaux. Je dois dire que lorsque l’on parcourt le programme du Conseil National de la Résistance de 1944, il n’en dit pas un mot et pour cause c’est l’Europe et la mondialisation les deux points dominants de notre vie d’aujourd’hui.
L’Europe c’est venu très vite et M. Teitgen l’a marqué. Ce qui m’a beaucoup impressionné avec le recul c’est la rapidité avec laquelle les hommes de la Résistance, dont certains revenaient des camps de concentration, ont tout de suite dit « il faut changer de monde, rien n’est possible sans la réconciliation Franco-allemande et il faut commencer à unifier l’Europe » Avec le cheminement que Jean Monnet qui avait deux pieds, à la fois promoteur des premières institutions européennes supranationales une nouveauté à l’époque et aussi désigné par le Général de Gaulle pour créer quelque chose qui allait s’appeler le plan.
On a bien pu voir en quoi l’inspiration de la Résistance était vivante.
Je dirai quelques mots pour terminer l’après midi d’abord « l’optimisme », ce que disait également M. Baverez. L’optimisme c’est que les gens lorsque la France est au creux de l’abîme savent qu’elle se redressera. La défaite de 40 ne signe pas définitivement le déclin de la France. Que la misère due aux spoliations allemandes et aux restrictions etc. ne nous empêchera pas de construire les 30 glorieuses.
Optimisme aussi parce que ces gens ils ont aussi inventé le monde nouveau, on a évoqué cet après midi l’O.N.U., l’O.T.A.N., le F.M.I. tout ça, ce sont des créations de la Libération. On a daubé sur l’O.N.U. mais quand même l’état de droit se construit, il y a eu la convention européenne des droits de l’homme, dont M. Teitgen à parlé. Il y a aussi le tribunal pénal international qui a du mal à se mettre en place mais qui est un pas en avant de l’humanité. C’est un événement considérable dans l’histoire humaine et tout cela vient de ces années de la Libération.
Je dis optimiste, le revers, c’est le refus de la faiblesse, dire non, M. Bouvard l’a exprimé avec conviction, avec force, du fond de son cœur et de son vécu, sans répéter ce qui a été dit : la possibilité le devoir de dire non.
Une des autres choses que nous a apportées la Libération était le programme des idées de la Résistance, c’est fortement l’idée de solidarité, le nom des 30 glorieuses a été construit, on l’a évoqué pour dire combien la Chine avait besoin pour se construire à sa manière aujourd’hui en état providence pour aider le monde à sortir de la crise économique. Cette solidarité elle nous a conduits à bâtir ce qui fait notre société d’aujourd’hui. On a dit récemment que pour la France tout ce qui avait été construit dans ces années là avait servi d’amortisseur de crises depuis un ou deux ans. Tout cela il ne faut pas l’oublier.
Il y a un mot aussi qui a été prononcé à plusieurs reprises c’est le mot de « valeurs » je ne reviens pas sur les valeurs de la Résistance, elles ont été diverses, correspondant parfois, comme il a été dit, à des diversités d’origines, de convictions, mais il y a un socle qui est évidement le refus de l’inacceptable. La solidarité, le renouveau et la reconstruction de la France.
On a parlé de valeurs avec un petit v, j’ai bien aimé lorsque l’on a parlé de Résistance avec un grand R ou un petit r. Je me disais qu’il y a peu de mot dans la langue française qui sont à la fois en minuscule et en majuscule. J’en trouve deux qui sont les grands phares de la France moderne : c’est Révolution et Résistance.
Les valeurs, c’est une chose que la crise nous enseigne, aujourd’hui, il y a une chose qui m’intéresse beaucoup, qui m’interpelle c’est la hiérarchie des valeurs d’aujourd’hui, quelle hiérarchie avons-nous bâti dans nos revenus ? Dans les rémunérations ? Dans les profits, nous avons des tradeurs, des patrons dont les entreprises périclitent et qui s’en tirent fort bien, des joueurs de football et en face d’eux il y a des grands médecins qui prolongent la vie humaine, il y a des professeurs qui transmettent le savoir, il y a des soldats qui risquent de mourir, ils ne sont pas payé dans la hiérarchie des valeurs qui est celle de l’argent, c’st une hiérarchie sur laquelle on doit s’interroger.
On a terminé par l’Europe, ce sera évidement la grande affaire de votre génération au 21° siècle, quelle gouvernance, quel avenir commun entre ces 27 peuples peut-être 33 un jour sans entrer dans des débats trop difficiles et trop houleux. Il faudra beaucoup d’imagination parce qu’en réalité il n’y a pas de précédent. En tout cas il faudrait, ensemble, que l’on lutte pour qu’il n’y ait pas de recul. M. Mariton a parlé de la fin de Maastricht, il a surement raison lorsque l’on voit ce qu’était le traité de Maastricht et ses contraintes, encore faut-il pouvoir le remplacer par quelque chose d’autre.
Souhaitons que les efforts que la France fait seule en Europe vis-à-vis de l’Angleterre, on le sait c’est normal, même vis-à-vis de l’Allemagne, ça a beaucoup gêné, pour la construction en face de la Banque Centrale Européenne d’une esquisse de pouvoir économique commun en Europe.
Je termine en faisant deux petites allusions : une question portait sur la Médiacratie, je ne peux rien faire d’autre que de me référer au programme du Conseil National de la Résistance de 1944, où il est dit ; « Il faut défendre la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères ».
La seconde allusion, pardonnez-moi je n’y résiste pas, toujours en réponse à une question, toujours dans le programme du Conseil National de la Résistance, qui évoque : « Afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui en auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promus l’élite véritable non de naissance mais de mérite et constamment renouvelé par les apports populaires. »
Ces textes ont vieilli par certains aspects mais je crois vraiment comme la Résistance que certaines des valeurs très profondes qui les ont inspirés peuvent toujours nous guider et j’espère vous guiderons au cours du 21° siècle.