Hommage à la mémoire des étudiants et lycéens résistants morts pour la France
Rencontre prévu le 15/05/2018
Le 15 mai dernier, se tenait notre traditionnel hommage à la mémoire des étudiants et lycéens morts pour la France, au jardin du Luxembourg. La cérémonie s’est déroulée sous le patronage du Président du Sénat, monsieur Gérard Larcher, et avec la participation des élèves des lycées et collèges Pasteur (Neuilly-sur-Seine), Pierre Alviset et Voltaire, ainsi que l’Institut National des Jeunes Aveugles.
Dans une première partie, très solennelle, les lycéens, collégiens et les jeunes aveugles, accompagnés des et personnalités invitées ont pu déposer des gerbes devant le mémorial aux étudiants et lycéens résistants morts pour la France. Ils ont ensuite observé une minute de silence avant d’entonner tous en cœur une vibrante Marseillaise.
Nous avons ensuite regagné le kiosque à musique du jardin du Luxembourg, afin d’entendre les chants et les poèmes récités par les lycéens.
Les élèves de l’Institut National des Jeunes Aveugles ont lu un texte de Jacques Lusseyran : « l’aveugle de la Résistance »
» Si je n’avais pas été aveugle je ne pense pas que je serais rentré à l’âge de 16 ans -c’est à dire très tôt- dans des activités importantes de résistance. Ma cécité m’avait donné une chance de faire un bond très brusque dans ma vie intérieure et d’apprendre à regarder tous les événements que je vivais « du dedans ». Le point de vue moral sur les choses m’était beaucoup plus naturel du fait que j’étais devenu aveugle. Aussi lorsque la France a été occupée par l’Allemagne en 1940 j’ai senti que des valeurs humaines étaient mises là en jeu qu’il fallait défendre par n’importe quel moyen »
Puis les élèves du collège Alviset ont récité à trois voies ainsi le poème de Louis Aragon, « la Rose et le Réséda » :
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas….
Puis ce sont les élèves du lycée Pasteur qui ont lu la lettre d’Henri Ferret du groupe Guy Moquet, puis deux autres élèves ont récité :
« Ce coeur qui haïssant le guerre » merveilleux poème de Robert Desnos
Puis Madame Anne Clélia Salomon-Monge – nièce de François Bayet, élève du Lycée Legrand de Paris jeune résistant, chef des maquis de Sologne mort en déportation à l’âge de 19 ans – a lu avec beaucoup d’émotion deux poèmes le premier Desnos : « Couplets de la rue Saint-Martin »:
Je n’aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu’André Platard l’a quittée…..
Je n’aime rien, pas même le vin……
Le second d’Aragon le « Complainte de Robert de Diable »
Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval
Quand tu parlais du sang jeune homme singulier
Scandant la cruauté de tes vers réguliers
Le rire des bouchers t’escortait dans les Halles…….
Puis après le « Chant des partisans » et le deuxième couplet de la Marseillaise, repris par la chorale du lycée Voltaire, le Président du Sénat a conclu ce bel après-midi :
Discours de M. le Président du Sénat
Cérémonie à la mémoire des étudiants résistants
Jardin du Luxembourg – Mardi 15 mai 2018
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Chers collègues,
Monsieur le Directeur de l’Académie de Paris,
Monsieur le Président de l’Association « Mémoire et Espoirs de la Résistance »,
Messieurs les Présidents d’association et de fondation,
Chers collégiens et lycéens,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis aujourd’hui dans ce Jardin du Luxembourgoù se dresse la sculpture de Gaston Watkin,symbole du sacrifice de la jeunesse, pour rendre hommage aux lycéens et étudiants morts pour faits de Résistance. Cette cérémonie, organisée par l’Association « Mémoire et Espoirs de la Résistance », s’inscrit dans le cadrede la journée nationale de la Résistance, instaurée à l’initiative du Sénat par la loi du 19 juillet 2013.
Je voudrais tout particulièrement saluer la présence d’anciens résistants, de lycéens et de collégiens, de professeurs, de parlementaires et de tous ceux qui œuvrent pour la transmission des valeurs issues de la Résistance.
Nous commémorons en ce lieu l’esprit de la Résistance.
Commémorer, c’est d’abord se souvenir, c’est rappeler le courage et le sacrifice de ces lycéens et étudiants qui se rassemblèrent dans le refus, celui de la défaite, celui de l’occupation, celui des atteintes à la dignité humaine et aux libertés fondamentales.
Dès juillet 1940, ils distribuent les premiers tracts au sein des lycées et des universités. Tracts qui appellent au recueillement sur la tombe du soldat inconnu, le 11 novembre. Maurice Schumann, grand résistant déclare : « En cette veille du 11 novembre, renouvelez sur les tombes de vos martyrs le serment de vivre et de mourir pour la France. »
Ainsi le 11 novembre 1940, plusieurs milliers d’étudiants et de lycéens, mais aussi des professeurs, bravant l’interdiction qui leur est faite de manifester, convergent vers les Champs-Élysées et vont déposer un bouquet de fleurs sous l’Arc de Triomphe au pied de la flamme qui brûle en souvenir de tous les soldats français tombés lors de la Première guerre mondiale.
Ce jour-là, ils ont dit non à la défaite, non à la collaboration, non au déshonneur.
Ce jour-là, les lycéens venus de Janson de Sailly, de Buffon, de Condorcet ou de Carnot se sont affirmés comme les filles et fils des combattants héroïques de 1914-1918.
La répression de la manifestation du 11 novembre 1940 fut impitoyable. On dénombra 15 blessés, un millier d’interpellations, 123 arrestations. Certains furent incarcérés jusqu’en décembre à la prison de la Santé ou à celle du Cherche-Midi.
C’est cette volonté de résister qui pousse une partie des lycéens et des étudiants à soutenir les Forces françaises libres, cette part de la France incarnée par le Général de Gaulle qui représente l’espoir d’une libération prochaine, et celles et ceux qui poursuivent la guerre depuis Londres, l’Afrique et bientôt les réseaux de la résistance intérieure.
Les étudiants rejoignent alors en masse les rangs de la Résistance. Ils s’y illustrent dans le renseignement, la distribution de tracts, la collaboration à des journaux clandestins.
L’histoire de la Résistance étudiante est faite de destins singuliers et tragiques dont nous nous souvenons aujourd’hui et auxquels nous rendons hommage.
Pierre Grelot, Jacques Baudry, Pierre Benoit, Lucien Legros, Jean Artus, les cinq martyrs du Lycée Buffon à Paris ont été parmi les premiers dans la Résistance universitaire. Ils n’ont pas encore dix-huit ans lorsqu’ils sont fusillés le 8 février 1943.
Quelques jours avant la Libération de Paris, des étudiants des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique sont assassinés froidement, poussés d’un camion, tombant l’un après l’autre sous les balles d’une mitrailleuse dans l’allée qui borde la cascade du Bois de Boulogne.
Ce sont ces jeunes gens morts pour la liberté que nous honorons aujourd’hui en ce lieu si proche de la Sorbonne, non loin de la faculté de médecine et d’autres grandes écoles, ce monument voulu par Gaston Monnerville, Président du Sénat, lui-même résistant, monument près duquel nous sommes réunis aujourd’hui !
C’est à vous, lycéens et collégiens ici présents, qu’il revient aussi de faire vivre cette flamme de la Résistance auprès de vos familles, de vos amis, de vos camarades de classe, dans vos engagements présents et à venir, alors que les dernières voix résistantes s’éteignent.
Je pense à Claude Raoul-Duval l’un des derniers compagnons de la Libération décédé il y a quelques jours, et je pense aussi à Claude Pierre-Brossolette, il était le fils du grand résistant Pierre Brossolette. Plus jeune décoré de la médaille de la Résistance, Claude Pierre-Brossolette avait été arrêté par la Gestapo en 1942, il n’était qu’un collégien de 14 ans. Alors que les Allemands l’interrogeaient sur son père, il refusa de parler. Son père, ce héros, martyr de la Résistance, qui se défenestra le 22 mars 1944 alors qu’il avait été arrêté et cruellement torturé par la Gestapo. Il emporta dans la mort les secrets que les nazis avaient échoué à lui arracher.
L’esprit de service est aujourd’hui vivant comme en témoigne l’engagement de nombreux jeunes au sein de nos armées sur des théâtres d’opération, j’étais en janvier dernier aux côtés de nos soldats au Tchad et au Niger, j’ai pu apprécier leur courage et leur détermination.
Je pense aussi naturellement au Colonel Arnaud Beltrame.
Arnaud Beltrame était aussi porteur de cet esprit de Résistance qui est l’affirmation de ce pour quoi la France s’est toujours battue, de Jeanne d’Arc et des soldats de l’An II, au Général de Gaulle : son indépendance, sa liberté, son refus du renoncement et de la soumission, son combat contre tous les fanatismes et tous les totalitarismes.
C’est ainsi que nous triompherons du Mal !
Vous avez, Mesdames et Messieurs les Professeurs, un rôle essentiel à jouer pour l’éveil des consciences. C’est là aussi la grandeur de votre métier et de la mission que vous confie la République.
Vous, étudiantes et étudiants, lycéennes et lycéens, ne vous soumettez jamais à l’obscurantisme et à l’esprit de résignation sous quelque forme ! Restez toujours des femmes et des hommes libres, ne cédez jamais à la haine mais ne transigez jamais sur les valeurs de la République. Seul le combat vous permettra de rester dignes ! Pour que vive la République ! Que vive la France !