Hommage à la mémoire des étudiants et lycéens morts pour la France
Rencontre prévu le 16/05/2019
Jeudi 16 mai dans les Jardins du Luxembourg traditionnel hommage à la mémoire des étudiants et lycéens morts pour la France organisé par l’Association des Amis de laFondation de la Résistance
Cette cérémonie s’est déroulée sous le patronage du Président du Sénat Gérard Larcher, du Recteur de l’académie de Paris Gilles Pécout et avec la participation des élèves des collèges de l’Europe Jean Monnet de Bourg de Péage (Drôme), Alviset, Matisse et Voltaire de Paris et du lycée Jacques Decour ainsi que l’Institut National des Jeunes Aveugles.
Les drapeaux présents étaient :
Celui de l’Association Nationale des Résistants de 1940 « L’association des Résistants de 1940 a été fondée en 1945 par le colonel Bonneau et le professeur Rivet qui était responsable d’un groupe parisien qu’il réunissait au Musée de l’Homme. René Sanson en fut président jusqu’en 1999, Edmond Pilat lui succédant. Pour être membre de l’association il fallait avoir accompli son premier acte de résistance avant le 1ermars 1941 et avoir persévéré jusqu’à la Libération dans l’action contre l’occupant ou le gouvernement de Vichy. Sur les 350 membres venus de tous les horizons on citera Pierre Mendès-France, René Pleven, Maurice Schumann, Jacques Soustelle, le général de Boissieu, le général de Bénouville… ».
Celui de la fédération nationale des Combattants Volontaires de la Résistance (CNCVR)
« La Confédération Nationale des Combattants Volontaires de la Résistance créée en 1953 par Jean Ginas, compagnon de la Libération de la Libération a poursuivi sa mission grâce à André Jarrot, également compagnon de la Libération puis grâce à Jean Rousseau, résistant déporté. Cette Confédération a regroupé autour des présidents des Unions départementales quelques 15 000 adhérents. En 1958, sous l’impulsion d’Henri Bailly, son secrétaire général, la CNCVR a lancé le « prix de la National de la Résistance », préfiguration du Concours national de la Résistance et de la Déportation qui toujours grâce à la CNCVR est institutionnalisé en 1961 pour devenir un concours scolaire dont la popularité ne se dément pas avec plus de 40 000 candidats volontaires chaque année ».
Et enfin celui de Turma-Vengeance » Turma-Vengeance est un mouvement de Résistance qui a compté plus de 30 000 membres. Fondé en janvier 1941 en Zone occupée par trois amis médecins, le réseau se fixe une triple mission : Victor Dupont prend la tête du service de Renseignement, Raymond Chanel, se spécialise dans l’évasion et François Wetterwald devient le chef des corps franc Vengeance, chargés des missions de sabotage. Jusqu’à la Libération, cette organisation garda fidèlement ses trois missions initiales (Renseignement, Évasion, Action) et mit sur pied des unités de combat. Le réseau Vengeance paya un lourd tribut avec 78 tués au combat et 979 membres arrêtés : 8 échappés, 21 abattus à l’arrestation ou tués sous la torture, 96 fusillés, 16 disparus, 45 internés jusqu’à la Libération, 793 déportés dont 389 sont morts en déportation, pour un total de 584 morts connus. »
Et aussi celui du lycée Decour.
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Six gerbes ont été déposés : celle du collège de l’Europe de Bourg en Péage, celle de de l’U.N.A.D.I.F., celle de l’Association des Amis de la Fondation de la Résistance, celle de l’ONACVG, celle de l’Académie de Paris et enfin celle du Sénat par le Président Gérard Larcher .
A l’issu de ces dépôts de gerbes le très large public présent a écouté l les élèves des collèges et lycées lire poésies et écrits sur le Résistance
Les élèves du Collège de l’Europe Jean Monnet de Bourg de Péage: ont lu un extrait de la lettre d’Henri Fertet :
» Chers Parents, Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.
Vous ne pouvez savoir ce que moralement j’ai souffert dans ma cellule, ce que j’ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m’a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait. (…)
Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd’hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l’amour filial véritable, au vrai amour filial.
Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis ; dites-leur ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands parents, mes oncles, tantes et cousins, Henriette. (…). Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée. À ce propos, Hennemann me doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez » Le Comte de Monte-Cristo » à Émourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.
Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu’elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d’épée gaulois.
Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. Que les Français soient heureux, voila l’essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.
Pour moi, ne vous faites pas de soucis. je garde mon courage et ma belle humeur jusqu’au bout, et je chanterai » Sambre et Meuse » parce que c’est toi, ma chère petite maman, qui me l’as apprise. (…). Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée ; mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort ; j’ai la conscience tellement tranquille.
Papa, je t’en supplie, prie, songe que si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle sera plus honorable pour moi ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons bientôt tous les quatre, bientôt au ciel. Qu’est-ce que cent ans ? (…)
Adieu, la mort m’appelle, je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir.
Mille baisers. Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans
Henri Fertet
À MA MÈRE
Écoute Maman, je vais te raconter
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n’a pas supporté
Les livres qu’on brûlait
Les gens qu’on humiliait
Et les bombes lancées
Sur les enfants d’Espagne
Alors on a rêvé
De fraternité…
Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n’a pas supporté
Les prisons et les camps
Ces gens qu’on torturait
Et ceux qu’on fusillait
Et les petits-enfants
Entassés dans les trains
Alors on a rêvé
De liberté.
Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n’a pas supporté
Alors on s’est battu
Alors on a perdu
Écoute Maman, il faut que tu comprennes
Écoute, ne pleure pas. . .
Demain sans doute ils vont nous tuer
C’est dur de mourir à vingt ans
Mais sous la neige germe le blé
Et les pommiers déjà bourgeonnent
Ne pleure pas
Demain il fera si beau
Gisèle Guillemot est née le 24 février 1922, elle participe dans la Résistance, de décembre 1940 à avril 1943, à des actions menées dans la Calvados, au sein de l’Organisation Spéciale, du Front National pour la Libération de la France, des Francs-tireurs et Partisans Français, du réseau de Centurie. Arrêtée, elle est d’abord internée à Caen puis à Fresnes. Elle est déportée le 4 octobre 1943 à Ravensbrück puis Mauthausen
Puis les collégiens ont récité le poème de René-Guy Cadou: « Les fusillés de Chateaubriand »
« Les Fusillés de Châteaubriant »
« Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
Ils n’ont pas de recommandations à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit« .
Les élèves du lycée Jacques Decour à leur tour ont lu la dernière lettre que Jacques Decour adressa à ses parents.
Samedi 30 mai 1942-6h45
« Mes chers parents,
Vous attendiez depuis longtemps une lettre de moi. Vous ne pensiez pas recevoir celle-ci. Moi aussi, j’espérais bien ne pas vous faire ce chagrin. Dites-vous bien que je suis resté jusqu’au bout digne de vous, de notre pays que nous aimons.
Voyez-vous, j’aurais très bien pu mourir à la guerre, ou bien même dans le bombardement de cette nuit. Aussi je ne regrette pas d’avoir donné un sens à cette fin. Vous savez bien que je n’ai commis aucun crime, vous n’avez pas à rougir de moi, j’ai su faire mon devoir de français. Je ne pense pas que ma mort soit une catastrophe ; songez qu’en ce moment des milliers de soldats de tous les pays meurent chaque jour, entraînés dans un grand vent qui m’emporte aussi.
Vous savez que je m’attendais depuis deux mois à ce qui m’arrive ce matin, aussi ai-je eu le temps de m’y préparer, mais comme je n’ai pas de religion, je n’ai pas sombré dans la méditation de la mort ; je me considère un peu comme une feuille qui tombe de l’arbre pour faire du terreau.
La qualité du terreau dépendra de celle des feuilles. Je veux parler de la jeunesse française, en qui je mets tout mon espoir.
Mes parents chéris, je serai sans doute à Suresnes ; vous pouvez si vous le désirez demander mon transfert à Montmartre.
Il faut me pardonner de vous faire ce chagrin. Mon seul souci depuis trois mois a été votre inquiétude. En ce moment, c’est de vous laisser ainsi sans votre fils qui vous a causé plus de peines que de joies. Voyez-vous, il est content tout de même de la vie qu’il a vécue qui a été bien belle. (…)
Je vais écrire un mot pour Brigitte à la fin de cette lettre, vous le lui recopierez. Dieu sait si j’ai pensé à elle. Elle n’a pas vu son papa depuis deux ans.
Si vous en avez l’occasion, faites dire à mes élèves de Première, par mon remplaçant que j’ai bien pensé à la dernière scène d’Egmont
Toutes mes amitiés à mes collègues et à l’ami pour qui j’ai traduit Goethe sans trahir.
Il est huit heures, il va être temps de partir.
J’ai mangé, fumé, bu du café. Je ne vois plus d’affaires à régler.
Mes parents chéris, je vous embrasse de tout cœur. Je suis près de vous et votre pensée ne me quitte pas.«
Votre Daniel.
Puis les élèves de Institut National des Jeunes Aveugles ont lu un Extrait de « Le Voyant », biographie écrite par Jérôme Garcin, qui évoque Jacques Luysserand et son action de résistance dans le chapitre « le Volontaire de la Liberté.
« Ils sont quarante-sept. Plus qu’un groupe, déjà un mouvement. Leur mot d’ordre n’est pas la patrie, c’est la liberté. Il leur a suffi d’échanger quelques paroles dans les cours des lycées Louis-le-Grand et Henri-IV, au sommet du Quartier Latin, pour se reconnaître. Ils considèrent que la défaite est provisoire et qu’il convient de saisir toutes les occasions pour le faire savoir. Ils prétendent moins à la révolte qu’à l’action morale. Ils veulent répandre « la vérité, la confiance et le courage ». Ils ne s’accommodent pas de l’occupation allemande. Ils ne veulent pas vivre dans un Paris « silencieux comme un cercueil », autour duquel rôde la maladie et la peur. Les lycéens se réunissent pour la première fois, le 21 mai 1941, dans l’appartement de Jacques Lusseyran, boulevard de Port-Royal. Ensemble, ils choisissent de s’appeler les Volontaires de la Liberté et font officiellement enregistrer le mouvement par Londres. Lorsqu’ils sont réunis chez lui, Jacques les entend le regarder et les écoute lui prêter serment. Son ouïe voit tout, ses oreilles sont des rayons. Cet adolescent de 17 ans écrit « La Résistance est une affaire de dignité, d’honneur. Et l’honneur n’est pas que dans la Patrie, mais dans nos actes. La Résistance, c’est la volonté de ne pas faire n’importe quoi, mais de faire quelque chose qu’on a choisi une fois, qu’on voudrait encore, même si l’on a été torturé, bafoué ».
A seize heures, après les cours de lycée, Jacques entre en Résistance. Lui qui ne peut ni manier les armes, ni porter les journaux clandestins dans Paris, ni partir en repérage autour des bases militaires allemandes gouverne tous ceux qui vont agir pour lui, en son nom. Il charge ses jeunes troupes de passer des messages, parfois des mitraillettes, de fabriquer de faux papiers, mais aussi d’aller chercher des aviateurs alliés tombés dans les campagnes d’île de France afin de les ramener à Paris et ensuite de les exfiltrer. Avant de partir en mission, ils vont recevoir les ordres chez Lusseyran ; après les avoir exécutés, ils vont lui rendre des comptes. Le jeune homme sans regard est le cerveau du mouvement. Son coeur battant aussi.
Il vécut la défaite de la France en cinq semaines et son occupation par les nazis comme un nouvel accident, un nouveau traumatisme. Neuf années après avoir perdu la vue, il perdait en effet son pays C’était comparable, selon lui, à une seconde cécité. « Après la lumière extérieure, on m’ôtait la liberté extérieure… J’avais appris que la liberté, c’est la lumière de l’âme. Il n’y a pas d’autre cause à mon engagement dans la Résistance ».
Par la Chorale du Collège Voltaire : Le Chant des Partisans
Paroles de Maurice Druon et Joseph Kessel sur une musique composée par AnnaMarly
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.
Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite…
C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève…
Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute…
Discours de M. le Président du Sénat
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Chers collègues,
Monsieur le Recteur,
Mon Général,
Madame la Directrice de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre,
Messieurs les Présidents d’association et de fondation,
Chers collégiens et lycéens,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour célébrer la mémoire des lycéennes et des lycéens, des étudiantes et des étudiants, qui donnèrent leur vie pour que notre pays jouisse de la liberté, qui nous est si chère.
Cet esprit de Résistance fut marqué par des moments forts, je pense bien sûr aux étudiants qui manifestèrent, le 11 novembre 1940, sur les Champs-Élysées et seront pour beaucoup d’entre eux arrêtés par les Allemands. Cet évènement sera un acte fondateur et marquera pour les étudiantes et les étudiants de France leur véritable entrée dans la Résistance.
Cet engagement des lycéens et étudiants dans la Résistance fut aussi marqué par des gestes de solidarité tout simples mais d’une portée symbolique exceptionnelle. Ils reposaient sur des convictions profondes, qui se manifestaient dans le refus clair du fascisme et du nazisme au nom des valeurs républicaines au premier rang la fraternité.
Tel fut le cas aulycée Condorcet lorsque les élèves protestèrent contre le port de l’étoile jaune. C’est dans ce lycée, que le 8 juin 1942, des jeunes lycéens porteurs de l’étoile jaune, constatent, les larmes aux yeux, que la plupart des élèves de leur classe de première arborent une étoile en solidarité avec eux. Quelques jours plus tard, ces mêmes élèves portent dans la salle des Pas perdus de la gare Saint-Lazare des étoiles de solidarité marquées « potache ».
C’est dans ce même lycée Condorcet, que des lycéens, au printemps 1944, à l’occasion d’une descente de la Milice, vont chercher « les porteurs d’étoile jaune » d’une classe de seconde pour les faire discrètement sortir par une porte dérobée. Ce geste d’un courage inouï sauva plusieurs lycéens dont les parents ne sont pas rentrés d’Auschwitz..Et je me permets, à ce sujet, de vous suggérer la lecture d’un conte de Jean-Claude Grumberg « La plus précieuse des marchandises » paru en janvier dernier. Il est plus fort que tous les discours !
Les lycées et les universités furent à l’image de Grenoble, de Lyon, de Toulouse, ou de Clermont-Ferrand des pépinières de jeunes résistants.
L’amour de la liberté s’associait au refus de la défaite, refus de la législationantisémite, refus de l’occupation étrangère. Cet état d’esprit les conduisit à une participation active à la Résistance.
Cet état d’esprit forgea leur destin. Leur engagement de résistant guida toute leur vie et les conduisit à agir en faveur du Bien commun.
Tel fut le cas du réalisateur du film « Shoah » Claude Lanzmann qui s’est éteint en juillet dernier. Il fut l’un des organisateurs de la résistance au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand en 1943. Il a alors 18 ans. Il organise la lutte au sein du lycée. Son groupe compte jusqu’à 200 membres, tous engagés dans les missions de contre-propagande.
Le samedi, le dimanche et le jeudi, il se faufile hors du lycée avec ses camarades pour gagner les quartiers de Clermont-Ferrand et glisse des tracts dans les boîtes aux lettres ou sous les portes. PuisClaude Lanzmann est chargé de la réception de valises d’armes à la gare de Clermont-Ferrand avant de rejoindre le maquis avec une centaine de jeunes volontaires.
La Résistance façonna sa vie entière où il témoigna de l’enfer des camps d’extermination. Claude Lanzmann deviendra journaliste et écrivain proche de Simone de Beauvoiret de Jean-Paul Sartre, il consacrera surtout 12 ans de travail au film Shoah considéré comme un monument du cinéma, un véritable mémorial.
Tel fut aussi le cas de Julien Lauprêtre qui vient de nous quitter, il y a quelques jours. En 1940,il est apprenti miroitier dans une école parisienne. Il fonde son propre réseau de jeunes résistants en 1942. Il est arrêté le 20 novembre 1943 et incarcéré à la prison de la Santéà Paris. Il y côtoie pendant huit jours Missak Manouchian, le chef du groupe de l’Affiche rouge, qui lui dit : « Moi je vais être fusillé, mais toi il faut que tu fasses quelque chose d’utile et que tu rendes la société moins injuste… ».
Des paroles qui le marquèrent à jamais et qui vont conditionner son engagement futur. « La fraternité, c’est l’amour des autres » dira-t-il plus tard. Il passe quatre mois dans cette prison. En avril 1944, il refuse le STO, et se cache à Lyon et continue le combat.
Il entre au Secours populaire français au cours du terrible hiver 1954, il répond à sa manière au message de l’Abbé Pierre. Un an plus tard, il en devient le secrétaire général, puis le président en 1983. Durant soixante-cinq ans, il restera au service de ce qui est devenu, sous son impulsion, l’une des plus grandes associations françaises de solidarité, présente sur tous les fronts et dans le monde entier.
Ces exemples démontrent à quel point l’esprit de la Résistance fut la flammequi éclaira toute leur vie, une vie faite de témoignage et de partage.
Ces jeunes des toutes origines, aux histoires diverses, ne pouvaient songer entrer en Résistance qu’imprégnés d’un patriotisme qui est l’amour de la nation au contraire du nationalisme qui est la détestation des autres. Il leur fallait d’autant plus de courage pour s’engager dans la Résistance que la répression nazie s’inscrivait dans une implacable logique de violence absolue.
Au sein d’une immense majorité ignorant ou feignant d’ignorer le combat dans l’ombre pour la liberté, quelques milliers d’étudiants et de lycéens s’exposeront dans la Résistance active, au péril de leur vie.
Ils ne sont plus que quelques survivants aujourd’hui.
Ils ne sont plus que quatre Compagnons de la Libération sur les 1038 personnes ayant reçu ce titre : Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, Hubert Germain, Pierre Simonet et Edgard Tupët-Thomé.
Et je pense aussi à une grande résistante Madeleine Riffaud qui a aujourd’hui 94 ans et dont l’esprit de résistance la poussa à militer en faveur de la décolonisation.
C’est donc à vous qu’il revient désormais de porter cet esprit de la Résistance qui a animé ces lycéens et ces étudiants
Vous avez, Mesdames et Messieurs les Professeurs, un rôle essentiel, aux côtés de vos élèves. C’est là la grandeur de votre métier et de la mission que vous confie la République.
Vous, étudiantes et étudiants, lycéennes et lycéens, ne vous soumettez jamais à l’obscurantisme et à l’esprit de résignation ! Demeurez toujours des femmes et des hommes libres, ne cédez jamais à la haine, ne transigez jamais sur les valeurs de la République.
Romain Gary à qui on demandait s’il se sentait plus français que russe, avait cette si belle réponse : « Ma patrie, c’est la France libre ! ».
Eh bien votre patrie, c’est aussi la « France libre »