Minuit
Par Dan Franck Auteur : Dan Franck Éditions : Éditions Grasset
De juin 1940 à la Libération de Paris en août 1944, Dan Franck dans son dernier ouvrage « Minuit » paru aux Editions Grasset, brosse un tableau de la vie et du parcours des artistes : écrivains, éditeurs, peintres, cinéastes, acteurs et intellectuels pendant la nuit de l’Occupation dans une France qui vient de subir une effroyable défaite. Pendant quatre ans tout un petit monde de Français, de réfugiés antifascistes de la « Mittle-Europa », de héros de la première ou de la dernière heure, d’attentistes ou de collaborateurs plus ou moins zélés, se côtoie de Paris à Marseille en passant par la Côte d’Azur. Divisés pendant les années vingt à trente par les différents courants littéraires, artistiques et politiques, certains vont sombrer dans une attitude coupable et servile envers l’occupant tandis que d’autres au contraire choisissent de résister et leurs écrits, d’abord publiés « sous le manteau », deviendront l’honneur de la littérature et de la poésie française. Sous la plume alerte de l’auteur, presque tous les acteurs de la vie intellectuelle dans la France occupée défilent : Paulhan, Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Céline, Picasso, Cocteau, Drieu la Rochelle, Guitry, Colette, Arletty, et bien d’autres…avec leur parcours ballotté, ponctué d’anecdotes cocasses ou tragiques, où l’on voit le courage des uns et les lâchetés des d’autres. Au gré de ce récit – roman, quelques beaux portraits sont tracés de femmes et d’hommes moins connus comme Varian Fry « Juste américain » qui avec la belle et généreuse Mary Jane Gold créent une filière permettant d’ouvrir les portes de l’Amérique, à Max Ernst, Victor Serge, Consuelo de Saint-Exupéry et André Breton…etc. Histoires aussi méconnues de quelques antifascistes réfugiés en France, que Vichy ne ménagea pas comme, Alma Mahler et Franz Werfel réussissant néanmoins à rejoindre les Etats-Unis, et Arthur Koestler Londres. Si dans le Paris sous la botte allemande la vie au café du Dôme ou chez Maxim’s ne fut pas désagréable pour quelques « plumes molles » et autres « gestapettes » de service, le parcours dans la Résistance de Jean Bruller « Vercors », de Jean Prévost « Capitaine Goderville », d’Albert Camus, de Pierre Seghers, de Jacques Decour et d’autres est magnifiquement raconté dans cet ouvrage. Dan Franck, n’oublie pas non plus,de narrer le calvaire de Desnos, le courage de Prévert, et celui d’Aragon, à l’inverse il rappelle les ambiguïtés d’un Cocteau, tourmenté et voué aux gémonies par Vichy, et ceux nombreux qui firent « quelques escapades guidées » en Allemagne nazie du côté de Weimar. Pendant ce temps, à Londres, des Français Libres : Roman Kacew plus connu sous le nom de Romain Gary, Joseph Kessel, Maurice Druon, et beaucoup d’autres avaient « pris l’habitude de trinquer à la défaite de Vichy » en écrivant et en signant quelques belles pages dont un chant, celui des Partisans qui devint l’hymne de la Résistance. Deux beaux portraits terminent ce récit – roman, celui de René Char « Capitaine Alexandre » qui voit l’action de la Résistance « s’élever et s’élargir comme une morale » et celui d’André Malraux « colonel Berger » résistant tardif, devenu un chef de guerre charismatique, qui retrouve dans Paris libéré un compagnon de la guerre d’Espagne Ernest Hemingway dont « les capacités d’absorption sont légendaires » et qui fête à sa manière la libération. A Lire : ce livre au déroulement haletant est passionnant.