Marie-Madeleine Fourcade – Un Chef de la Résistance
Par Michèle Cointet Auteur : Michèle Cointet Éditions : Éditions Perrin 2006
Dans son dernier livre l’historienne Michèle Cointet, spécialiste des années 1940-45, trace le portrait d’une femme d’exception, qui demeure dans la mémoire – résistante l’une des figures emblématiques des « femmes en Résistance ». Issue d’une famille coloniale aisée et de tradition catholique, elle vit une partie de son enfance en Chine, puis au Maroc après avoir épousé le Capitaine Edouard-Jean Méric dont elle se séparera quelques années plus tard en quête d’indépendance. C’est dans les salons parisiens du milieu des années trente, tandis qu’outre Rhin les menaces se profilent, qu’elle rencontre Georges Loustaunau-Lacau, béarnais, baptisé Navarre « Il avait la carrure, la verve et la furie d’agir d’Henri IV», héros de la Grande Guerre, officier nationaliste et incorrigible comploteur, un temps exclu de l’armée dont elle va partager les passions nationalistes. Après le choc de l’exode de juin 40, elle le retrouve à Vichy où se sont réfugiés « tout un petit monde vibrionnant d’ambitions, d’espoirs et de regrets » et un Maréchal de France qui fausse bien des « cartes » et étouffe les plus ardentes velléités d’insubordination. Durant cet intermède vichyssois naît l’idée d’une croisade « …aux intentions purement patriotiques et militaires… », dont une partie des croisés seront les premiers déçus du pétainisme – pour l’essentiel des militaires peu favorables à de Gaulle – et de la personnalité de quelques uns naîtra dès décembre 1940 le réseau Alliance. Le refus de la subordination au chef de la France Libre, allié à un certain pragmatisme conduit Georges Loutaunau-Lacau à choisir l’Intelligence Service comme interlocuteur ; après son arrestation par la police de Darlan, Marie-Madeleine Méric, aider par le commandant Léon Faye, va prendre la tête d’Alliance et déployer toutes ses qualités pour en faire le plus grand et sans doute le plus efficace réseau de renseignement militaire français qui comptera plus de 3000 agents. C’est toute la vertu de l’auteur du livre, que d’expliquer comment par son charisme et son courage, Marie-Madeleine va s’imposer dans un milieu d’officiers très traditionalistes peu enclin au féminisme et de montrer comment cette jeune résistance souvent seule « face à la mer déchaînée » des événements prend conscience que par son action elle envoie des jeunes hommes à la mort – sur les 438 morts que comptera Alliance : 189 n’ont pas trente ans. Sa compétence, son intuition, son sens de l’organisation et le choix qu’elle fait d’être présente en permanent sur le terrain, auprès de ses agents – dont plus du quart sont des femmes – souvent dans les pires moments, lui vaudront d’être reconnue comme le « Chef d’Alliance ». L’autre vertu de l’auteur est d’analyser les différentes missions et tâches de tous les agents de ce réseau : opérateurs radio, agents de liaison, …etc. et à cette occasion de « sortir de la nuit, en des images brèves et lumineuses » les portraits de femmes et d’hommes souvent oubliés de l’histoire de la Résistance.
A son apogée Alliance peut s’enorgueillir d’avoir communiquer les renseignements qui permettront aux Anglais de gagner la bataille de l’Atlantique, d’avoir été l’une des chevilles ouvrières de l’évasion du général Giraud et de son arrivée en Afrique du Nord et d’avoir communiquer aux Alliés les renseignements qui leur permettront de détruire une grande partie les lieux où les Allemands développaient leurs armes secrètes. Printemps 1943 le réseau a grandi, parallèlement les arrestations se sont multipliées, la Résistance française, par la volonté du délégué du général de Gaulle Jean Moulin s’est structurée, le Comité français de la Libération nationale a été crée en juin à Alger et de nouveaux enjeux politiques sont apparus. Toujours jalouse de son indépendance et de celui de son réseau, qu’elle voulait strictement opérationnel et apolitique, c’est résignée qu’elle rejoint l’Angleterre le 18 juillet 1943, tandis qu’en France Alliance connaît une terrible hécatombe du fait de la police allemande. A l’été 44 elle fait preuve d’intelligence politique en faisant quelques premiers pas vers l’homme du 18 juin, tout en obtenant de conserver pour son réseau une certaine autonomie et retournera en France après le débarquement de Normandie pour le réactiver dans les régions encore occupées.
Après la victoire chèrement acquise pour Alliance, elle trouvera un nouveau bonheur avec un Français libre Hubert Fourcade qu’elle avait croisé dans la Résistance, et s’investira dans le travail de mémoire de la Résistance et en particulier dans celui des femmes et des hommes de son réseau « Je voudrais qu’on ne les oubliât pas et qu’on comprît surtout quelle était la divine flamme qui les animait ».
Il faut remercier l’auteur pour la biographie de cette femme admirable dont la mémoire comme pour beaucoup de femmes résistantes n’a pas souvent été honorée comme elle aurait dû l’être.