La lettre de mon père – Une famille de Tunis dans l’enfer nazi – (Préface de Serge Klarsfeld)
Par Frédéric Gasquet Auteur : Frédéric Gasquet Éditions : Éditions le Félin oct. 2006
Soixante ans après la tragédie vécue par son père, son grand-père et son oncle, Freddy – Frédéric Gasquet est parti à la recherche de leurs mémoires à la fois pour ses enfants et pour lui-même. Le résultat : est un livre attachant et sensible, fort bien construit, sur le parcours parfois douloureux du fils, petit-fils et neveu dans sa quête de vérité, tout en faisant découvrir aux lecteurs, l’histoire assez peu connue de l’occupation par les Nazis de la Tunisie de novembre 1942 à mai 1943, où pendant sept mois arrestations arbitraires, vexations, amendes collectives, camps de travail obligatoire, assassinats et déportations ponctuèrent la vie de la Régence.
Marié à vingt ans, en 1939, avec une jeune juive russe Lila, le père de Freddy, Gilbert est un homme brillant, issu d’une famille française bourgeoise de confession juive. Sorti de l’X dans la « botte », il se bat brillamment en 1940 sur la Somme avant d’être interdit d’accès à tout corps de l’Etat du fait les lois raciales de Vichy et de rejoindre sa famille à Tunis où naît en 1941 l’auteur de cet ouvrage « Freddy ». Gilbert avec son père et son oncle répugnent à vivre et à rester dans ce pays, humiliés par l’arrivée des Allemands et par l’attitude conciliante du gouverneur, l’Amiral Esteva, à l’égard des Nazis. Ils décident en mars 1943 de franchir clandestinement les lignes allemandes pour rejoindre les troupes françaises du général Leclerc. Malheureusement le « passeur de fortune » qu’ils ont choisi va les trahir ; ils seront arrêtés, conduits en Allemagne, jetés en prison, jugés pour haute trahison et exécutés en juillet 1944. Sa famille et sa femme restés à Tunis n’apprendront leur assassinat à Torgau qu’au sortir de la guerre par le Vice-amiral Penfentenyo, déporté en Allemagne, qui avait rencontré Gilbert la veille de son exécution.
En mai 1944, deux mois avant sa mort, Gilbert avait pu faire parvenir une dernière lettre à « ma femme, mère de mon enfant », lui proposant un « guide de vie … » et lui conseillant « le cœur brisé » de penser à un remariage « indispensable à ton bonheur et à celui de Freddy… ». Ainsi quelques années plus tard Frédéric Scemla – Freddy – devenu Frédéric Gasquet, entre dans une nouvelle vie, heureux grâce à une mère qui su concilier la mémoire du père – qui était au ciel – et le nouveau père adoptif – qui était sur terre –.Progressivement, avançant dans sa vie d’homme, c’est à travers des rencontres parfois fortuites, qu’il va de façon opiniâtre reconstruire le parcours de ces trois hommes, de ces trois visages trop tôt disparus, découvrir le héros que fut son père et l’horrible vérité sur la mort de ses trois parents – martyrs
Ce livre est un très beau et très émouvant devoir de mémoire, ce témoignage construit avec une grande rigueur déborde d’amour, et Frédéric « Freedy » a, suivant les mots de Serge Klarsfeld, réussi grâce à cet ouvrage, « à faire entrer dans l’Histoire les Scemla » : c’est passionnant… A lire très vite.