Geneviève de Gaulle-Anthonioz : « L’autre de Gaulle »
Par Frédérique Néan-Dufour Auteur : Frédérique Néan-Dufour Éditions : Éditions du Cerf Histoire 2004
C’est un beau portrait que livre, Frédérique Neau-Dufour, de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, femme discrète, qui a toujours résisté, « un de Gaulle de l’intérieur, un de Gaulle au féminin, et plus près des gens », dont le général de Gaulle, disait qu’elle était « Le meilleur de mes compagnons ». En dehors des liens tenus qui les unissaient, leur parcours fut parallèle, souvent atypique, symbolisant la résistance, le refus de consentir à l’inadmissible, l’endurance, la ténacité, et la vision exigeante d’une certaine idée de l’homme. Née le 25 octobre 1920, sa mère meurt lorsqu’elle a quatre ans et demi. C’est son père Xavier, l’aîné des cinq enfants des « de Gaulle », ingénieur des mines en Sarre qui va l’élever et lui communiquer les valeurs de sa famille. Un peu plus tard, sa foi en dieu lui permet de surmonter l’épreuve, de la disparition de sa sœur Jacqueline « sa jumelle de cœur », tandis qu’elle trouve le réconfort au près de son oncle, qui lui fait part à la fois de ses rêves mais aussi de ses craintes pour la France devant la montée des périls en Allemagne. Après la défaite, son éducation et son parcours vont la conduire tout naturellement à refuser l’occupation et faire tout de suite partie du tout petit nombre des courageux de juin 40. Après le réseau du « musée de l’Homme » elle rejoint, le mouvement « Défense de la France » où « elle a commencé par nous faire lire des œuvres du général » raconte Hélène Viannay. Geneviève signe, sous « le pseudonyme transparent de Gallia », dans le journal « Défense de la France » datée du 5 juin 1943 la première biographie du général de Gaulle qui ait paru dans la presse clandestine. 20 juillet 43, elle est arrêtée et emprisonnée à Fresnes, fin janvier 1944 avec 958 déportées, devenue le numéro 27 372, elle découvre l’univers concentrationnaire de Ravensbrück. Dans cet enfer elle connaît le pire mais aussi la fraternité et la solidarité qui servent de rempart à la destruction de l’être. Sa personnalité durant ces épreuves marque bien des détenues, ses sœurs de calvaire sont Germaine Tillon, Anise Girard la future épouse d’André Postel Vinay, son amie Jacqueline d’Alincourt, Marie-Jo Chombart de Lauwe. Au cours des derniers mois de sa détention Geneviève frôle la mort, son nom amène des dirigeants nazis dont Himmler, espérant sans doute quelques contreparties qu’ils n’auront pas, à la faire séjourner dans le « bunker » du camp et ainsi la sauver. Elle est libérée en avril 1945. Mai 1946, avec pour témoin son oncle, elle se marie à Bernard Anthonioz, faisant « le plein de bonheur » avec ce jeune résistant et éditeur, ami d’Aragon et de Malraux. Leurs quatre enfants n’empêchent pas le couple de s’engager un temps dans l’aventure du R.P.F. et de répondre présent au général revenu au pouvoir en 1958. Dès sa libération des camps Geneviève participe à la création et au fonctionnement de Association des Femmes Internées et Déportées (ADIR.), dont elle devient la présidente. Témoin de l’univers concentrationnaire il s’agit pour elle à la fois de témoigner sur la barbarie nazie, ce qu’elle fait au procès Barbie, et de militer avec « l’espoir d’un monde affranchi de la haine et de la violence ». C’est en 1958 après sa rencontre avec le Père Joseph Wresinski, aumônier du « camp des sans-logis » de Noisy-le-Grand qu’elle s’engage, à trente-sept ans, dans un « nouveau combat contre l’injustice, la misère et pour les droits de l’homme ». Avec le Père Joseph qui cherche à arracher tous ces miséreux à la misère en les responsabilisant et en leur rendant la parole, elle fonde ADT Quart-Monde dont elle prendra la présidence en 1964. L’engagement de Geneviève est entier, son nom et sa notoriété, lui servent non sans peine et déconvenues à forcer les portes des gouvernements successifs de la 5ème République, à faire appel au bénévolat et à lutter contre l’illettrisme de tous ces démunis, leur rendant par là même leur dignité. Nommée au Conseil économique et social son dernier combat est de faire inscrire dans la loi la lutte contre les exclusions qui seront votée en 1998, couronnant quarante années de combat mené avec les pauvres. Première femme élevée à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur, elle disait : « Au fond entre la Résistance et ADT Quart-Monde il y a un chemin commun : le refus de l’inacceptable ».