Français libre et citoyen du monde : Pierre Denis
Par Philippe Oulmont Auteur : Philippe Oulmont Éditions : nouveau monde Éditions 2013
C’est un homme aujourd’hui oublié que nous fait découvrir Philippe Oulmont avec le livre qu’il vient de publier aux nouveau monde éditions: « Pierre Denis – Français libre citoyen du monde ». Remarquable et inédite biographie sur ce personnage de l’ombre qui à cinquante-sept ans, le 20 juin 1940, aux côtés d’Henri Bonnet, de Robert Marjolin, de Jean Monnet, d’Emmanuel Mönick, et de René Pleven – tous « authentiques pionniers », appelés à jouer un rôle éminent dans la France Libre ou auprès des Alliés – rejoint Londres pour devenir « L’argentier des brigands » ! Issu d’une famille de tradition protestante, calviniste et patriote, c’est un normalien, ouvert au vaste monde, dont la géographie est sa passion. En septembre 1914 il fait son devoir dans les tranchées de Lorraine avant de rejoindre comme officier de renseignement l’armée d’Orient en avril 1915. A la sortie de la Grande-Guerre, derrière Jean Monnet il entre dans le « monde diplomatique » au travers du secrétariat général de la Société des Nations, puis il aborde le « monde des finances publiques » dans les divers comités financiers européens à la recherche de solutions face aux difficultés financières et monétaires que traverse l’Europe centrale du début des années vingt. De 1927 à 1939 il plonge toujours « dans les pas de Jean Monnet » dans le monde de la banque et de la finance. L’austère et efficace Pierre Denis, s’y fait un vaste carnet d’adresses, et saura tisser en particulier avec les Britanniques des liens qui lui permettront d’être accueilli, à bras ouverts, à Londres en1940. Pour l’historien de la France Libre, Jean-Louis Crémieux Brilhac « …de Gaulle eu la bonne fortune de confier à Pierre Denis alias Rauzan la charge des finances – encore inexistantes – du mouvement français libre….la caisse contenait la veille de son arrivée quatorze shillings !… ». Très tôt Rauzan avec le soutien de René Cassin, avec qui il partageait une longue amitié issue du temps de la S.D.N., étudia la possibilité d’une indépendance monétaire de la France Libre. Au cours de l’année 1941 se poursuivront les réflexions financières entre le Trésor britannique et la France Libre : le 2 décembre 1941 la Caisse centrale de la France Libre est créée. Pierre Denis en sera le patron tout au long de l’année 1942 avant « d’installer sa Caisse » dans les territoires ralliés en Afrique et en Océanie. Au cours de ses voyages il saura convaincre, arbitrer les conflits locaux et c’est tout l’intérêt de cette biographie de faire découvrir au lecteur comment furent réorganisés au plan administratif et financier les territoires de l’Empire et par là-même de les rassembler et de les unifier : cette Caisse fut l’un des moyens de les « faire vivre comme un tout ». Il rejoint, en juin 1943, Alger où il retrouve sa proximité avec Monnet et commissaire aux Finances il assure la fusion monétaire et financière des territoires ex-Français libres et de ceux rattachés à Alger. En janvier 1944 il est au nouveau à Londres où Pierre Mendès-France le nomme chef des services financiers de la Mission française à Londres. Ses compétences monétaires et financières auxquelles s’ajoute son « doigté d’homme d’expérience », feront merveilles dans les turbulences de la veille des débarquements en Normandie et du retour de Charles de Gaulle en France.
Biographie passionnante d’un gaulliste atypique, disciple de Monnet et fidèle de Charles de Gaulle que Philippe Oulmont complète par les portraits de quelques autres « piliers de la France Libre » comme celui de son ami et confident René Pleven et ceux d’André Postel-Vinay et d’André Diethelm. L’autre grand intérêt de cet ouvrage est d’éclairer le lecteur sur la complexité des problèmes financiers, monétaires et économique qui se posèrent à la France Libre et que contribuèrent à résoudre la petite équipe de « Monsieur Rauzan ».