Après nous
Par Patrick FORT Auteur : Patrick FORT Éditions : Ed. Arcane 17
C’est un habile tour de force auquel s’est livré Patrick Fort avec ce roman, celui de nous faire pénétrer dans l’esprit d’un résistant au cours des semaines précédent son exécution par l’occupant. Célestino Alfonso, personnage central de ce livre, est un jeune espagnol de 27 ans naturalisé Français avant guerre. Un homme d’engagement et de courage qui décida d’agir face à la montée en puissance du fascisme en s’engageant au sein des Brigades Internationales durant la guerre d’Espagne, avant de prendre part à la lutte clandestine armée au sein de la MOI (Main d’œuvre Immigrée).
Ce récit débute le 17 novembre 1943 alors que Celestino vient d’être arrêté par les Brigades Spéciales. L’écriture fluide de Patrick Fort happe tout de suite le lecteur qui découvre ce que ressent ce soldat de l’ombre lorsqu’il est conduit en fourgon cellulaire vers la Préfecture de Police de Paris. C’est là que débute le premier d’une longue série d’interrogatoires particulièrement violent et retranscrit sans voyeurisme aucun. Nous ressortons bouleversés à la lecture de ces pages, comme hébété, réalisant les épreuves que connurent ces hommes et ces de femmes ayant accepté de se sacrifier pour mettre fin au joug nazi.
Parvenant à garder le silence afin de ne pas compromettre ses compagnons, Célestino retrouve en prison le responsable de son groupe, Missak Manouchian, que Patrick Fort fait revivre avec émotion. Placé ensuite à l’isolement, Célestino puise du courage en se remémorant les nombreuses actions réalisées pour affaiblir l’ennemi, dont notamment l’exécution de Julius Ritter, superviseur du STO, le 28 septembre 1943. Mais c’est sans fin que ses pensées vont vers ses proches, accentuant son angoisse et son sentiment d’impuissance.
Nous retrouvons le jeune homme trois mois plus tard, à la Prison de Fresnes. Dans cet enfer un homme apporte du réconfort aux résistants martyrisés, qu’il soit athées ou croyants, il s’agit de l’abbé Franz Stock. Un matin Célestino est conduit dans la cour de la Prison avec les membres de son groupe, comme lui épuisé par des semaines de peurs et de tortures. Un photographe de l’Abteilung Wehrmacht Propaganda les immortalise à tout jamais en prenant les différents portraits qui figureront sur la célèbre « Affiche Rouge », magnifiée par Aragon puis Léo Ferré. Ces pages, bouleversantes, donne à voir un ensemble où tous deviennent à la fois français, espagnol mais également « arménien, communiste, polonais, juif, français, roumains, hongrois, italien, orphelin, apatride » (53), unis et solidaires face à cette mort qui se rapproche inéluctablement. La parodie du procès qui s’ensuit se clôt ainsi sur un jugement accueilli sans surprise par ces héros.
Dans l’attente de son exécution Célestino repense à ce qu’a été sa vie, dévoilant les différentes étapes l’ayant conduit à agir en combattant de la liberté. Puis le 21 février, lorsqu’il apprend qu’il va être fusillé à 15 heures, c’est avec émotion qu’il adresse une dernière lettre à sa famille, que l’on lit le cœur serré.
C’est alors le moment du départ vers le Mont Valérien. Dans le véhicule, le jeune homme contemple la nature, majestueuse. Une fois sur place les vingt-cinq hommes présents, ceux du groupe Manouchian accompagnés de trois lycéens de Saint-Brieuc, passent par groupe de sept devant le peloton d’exécution. Clemens Rüther, sous-officier de la Feldgendarmerie catholique et antinazi, capte avec un appareil photo dissimulé les derniers instants de ces braves. Célestino quitte cette terre, et nous refermons ce livre avec son souvenir à jamais inscrit en nous.