Concours de la meilleure photographie d’un lieu de mémoire 2019-2020
En 2020, dix photographies ont été adressées au jury du Concours de la meilleure photographie d’un lieu de mémoirequi a décerné un prix unique à l’occasion de cette vingt-deuxième édition.
Le Concours de la meilleure photographie d’un lieu de mémoire a été lancé en 1998 par la Fondation de la Résistance dans le sillage du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) dont le thème d’alors invitait les élèves à rechercher l’histoire des lieux de Mémoire(1). L’idée initiale était de permettre aux candidats du CNRD de valoriser leurs productions photographiques réalisées dans ce cadre. Depuis, ce concours, le seul du genre, offre aux élèves la possibilité de photographier des lieux de mémoire, situés en France ou à l’étranger, relatifs à la Résistance intérieure et extérieure, à l’internement et à la Déportation. Par la maîtrise de la photographie et la rédaction d’un texte explicatif, les candidats expriment leur sensibilité à l’égard des aspects artistiques et architecturaux de ces plaques, stèles et monuments. Son jury est composé d’iconographes, d’historiens, de conservateurs de musées, de journalistes et de représentants d’institutions et d’associations de mémoire et d’histoire.
Depuis plusieurs années, la qualité de nombreuses œuvres reçues a encouragé les membres du jury à multiplier les actions pour promouvoir activement ce concours. L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) et la Direction des Patrimoines, de la Mémoire, et des Archives (DPMA-ministère des Armées) ont largement diffusé les informations appelant les enseignants du secondaire à y participer.
En vingt-deux ans, ce concours, véritable formation à l’éducation à l’image, a permis à près de 800 collégiens, lycéens et apprentis de montrer les liens tangibles qui les unissent à cette « mémoire de pierre » et les leçons civiques qu’ils en tirent. Un certain nombre detravaux sont accompagnésde textes à résonnance littéraires comme des poèmes traduisant l’émotion ressentie par les élèves en ces lieux.
La période de confinement qu’a connu la France au printemps 2020 a eu pour conséquence de réduire très significativement la participation des candidats au Concours de la meilleure photographie d’un lieu de mémoire. Comme tous les voyages pédagogiques, ceux à destination des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale ont été annulés à partir de cette période. Or, l’expérience prouve que c’est lors de ces séjours que les élèves prennent les photographies qu’ils soumettent au jury. Aussi, pour la session 2019-2020, celui-ci n’a reçu que dix photographies dont cinq ont été jugées hors concours puisque leur auteur était un photographe professionnel (cf. article 1 du règlement). Cependant, étant l’implication des enseignants et des élèves dans ces circonstances exceptionnelles, l’ensemble du jury a décidé qu’une réunion à distance devait être organisée pour examiner les travaux reçus(2)et désigner un prix unique.
Frantz Malassis
- Le thème du CNRD 1998-1999 était : « Des plaques, des stèles, des monuments évoquent le souvenir des actions de résistance et la mémoire des victimes des persécutions et des répressions de la période 1940 à 1945. Recherchez et commentez l’histoire de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants ».
- Le jury a examiné cinq photographies provenant de cinq candidats issus de trois établissements scolaires (un lycée général et deux collèges). On comptait parmi eux trois collégiens et deux lycéens.
Le premier prixdu Concours de la meilleure photographie d’un lieu de mémoirea été décerné à Justine CHEVILLARD, élève de troisième au collège Henri de Navarre àNérac (Lot-et-Garonne)pour soncliché pris du camp de concentration de Vught-Hertogenbosch
Dans ce camp de concentration nazi situé au sud des Pays-Bas ont été internés plus de 30 000 prisonniers entre janvier 1943 et septembre 1944, dont des Juifs, des Tsiganes, des homosexuels et des résistants.
Cette candidate a accompagné sa création de réflexions que lui inspira ce lieu mais surtout d’un poème traduisant son émotion dans ce camp de concentration.
« Le cliché représente une double barrière de barbelés, électrifiés pendant la guerre, séparée par un fossé où se reflètent trois miradors. Plus à gauche se trouve une baraque de prisonniers. Autant de vestiges qui témoignent encore aujourd’hui d’une lourde impression d’enfermement et de privation de liberté. J’ai souhaité donner un effet sépia à ma photographie pour rehausser l’intensité du lieu et exprimer un caractère d’éternité comme si le temps s’y était figé, avec l’objectif de faire ressentir à chacun la nécessité de ne pas oublier les crimes atroces qui s’y sont déroulés. Quand je regarde cette photographie, je ne cesse ainsi de penser à ce millier d’enfants passés par Vught avant d’être exterminés à Sobibor, à ces 70 femmes enfermées dans une cellule de 9 mètres carrés sans ventilation(*), à ces 749 prisonniers qui y sont morts. Pourquoi cette haine ? Une question et des sentiments qui m’ont inspiré ce poème. »
Pourquoi cette haine ?
Ici, je la ressens partout,
Tout autour de nous cette haine.
Emprisonné depuis 20 jours
Cette haine me fait de la peine.
Je suis juif, j’ai 10 ans,
Je demande à maman
Pourquoi cette haine ?
Elle non plus ne sait pas
D’où vient-elle cette haine ?
Ça changera, dit-elle
Et je m’endors dans ses bras.
Toute la journée cette haine
Dans les yeux de ces criminels
Diaboliques comme Himmler,
Tyranniques comme Hitler.
Chaque jour ce ciel bleu,
Et cet horizon noir.
Me voient-ils mes aïeux
Derrière ce crématoire ?
La Mort va-t-elle nous prendre
Dans ses bras par centaines
Nous ôtant cette haine
Où nous laisser attendre ?
Je vois bien une obscure clarté
Dans le regard des prisonniers
Mélange de haine et d’espoir
Et la liberté la revoir.
Pourquoi ?
Pourquoi cette haine ?
(*) Le drame du bunker a eu lieu du 15 au 16 janvier 1944. Alors que plusieurs femmes ont montré leur solidarité envers une des codétenues, le commandant du camp décide d’en enfermer le plus possible dans une cellule. Au total 74 femmes sont ainsi emprisonnées dans une cellule de 9 m2. Pendant quatorze heures, elles restent ainsi entassées manquant rapidement d’oxygène. Lorsque la cellule est ouverte, dix femmes sont retrouvées mortes.