HOLBAN Boris

FTP - MOÏ

Auteur de la fiche : Sources : Journal le Monde du 2 juillet 2004. Auteur : Stéphane Courtois

BORIS HOLBAN

Ancien haut responsable communiste des FTP-MOI, est mort dimanche 27 juin 2004 à Etampes (Essonne), à l’âge de 96 ans.

« Boris Holban attira pour la première fois l’attention en juin 1985, lors des polémiques qui accompagnèrent la diffusion du téléfilm de Mosco, Des « terroristes » à la retraite. Il fut alors accusé d’avoir livré à la police française les combattants du groupe dirigé par Missak Manouchian, les FTP-MOI parisiens, Francs-tireurs et partisans de la main-d’œuvre  immigrée, groupes armés de l’organisation qui regroupait alors les militants communistes étrangers en France. La publication de ses Mémoires (Testament, Calmann-Lévy, 1989), les travaux des historiens (Le Sang de l’étranger, Fayard, 1989) et son témoignage dans le documentaire Brûlures de l’histoire l’ont entièrement blanchi de ces accusations. Boris Holban, de son vrai nom Bruhman, est né en 1908 dans une famille juive qui s’enfuit d’URSS et s’installa dans la province roumaine de Bessarabie. Engagé très jeune dans le mouvement communiste, il eut à subir de nombreuses années de prison. Privé de sa nationalité en raison de lois antisémites, il vint en France en 1938 et s’engagea en septembre 1939 dans le premier régiment de volontaires étrangers, qui, au printemps 1940, fut envoyé couvrir la retraite de l’armée française, avec des pertes considérables. Fait prisonnier par les Allemands, il s’évada grâce à Sœur Hélène, une religieuse de Metz qui avait organisé un réseau pour les prisonniers de guerre. Athée et fervent communiste, il avait pourtant été fortement impressionné par le courage et la sérénité de cette sœur, à qui, en 1999, il consacra un ouvrage ( Hélène Studer, la passeuse de liberté, Gérard Klopp). Et il évoquait toujours avec émotion la médaille de la Vierge qu’elle lui avait remise avant de le faire passer clandestinement en France occupée, où il reprit immédiatement le combat au sein de la MOI. En mars 1942, Holban devint le chef militaire et le créateur des FTP-MOI parisiens. Il mit sur pied une équipe spéciale et quatre détachements : le premier, formé de Roumains ; le deuxième, composé de juifs d’origine polonaise ; le troisième, d’Italiens, et le quatrième, spécialisé dans les déraillements. A cela s’ajoutaient des services de renseignement, de liaison et un service médical. L’ensemble bénéficiait de l’apport du service central des faux papiers de la MOI. Disposant en permanence d’environ 30 combattants aidés par une quarantaine d’autres militants, les FTP-MOI commirent dans Paris, de juin 1942 à la grande chute de novembre 1943, 229 actions contre les Allemands. Celle qui eut le plus de retentissement fut l’assassinat, le 28 septembre 1943, du général SS Julius Ritter, qui supervisait le service du travail obligatoire (STO), responsable de l’envoi au travail forcé en Allemagne de centaines de milliers de jeunes Français. Dès l’été 1942 s’engagea une véritable guerre entre les FTP-MOI et la BS2 (brigade spéciale) des renseignements généraux, qui, à la suite de filatures de plusieurs mois, réussit en juin 1943 à décapiter le deuxième détachement, et, en novembre, à démanteler l’ensemble du groupe.

En août 1942, Holban fut écarté de la direction des FTP-MOI et remplacé par Missak Manouchian. Il refusait d’entériner l’ordre de la direction nationale des FTP d’accroître le rythme des actions. Il considérait que les FTP-MOI étaient déjà à la limite de la rupture face à la pression policière. Les événements lui ont malheureusement donné raison : en novembre, la BS 2 (Brigade Spéciale) arrête Manouchian et plus de 60 de ses camarades, dont les 23 de la fameuse « affiche rouge », qui seront fusillés au mont Valérien le 21 février 1943. Holban est rappelé en décembre 1943 et chargé d’élucider cette catastrophe. Il comprend que la Gestapo a « retourné » un responsable et tenté de l’infiltrer dans l’organisation. Il est chargé d’attirer le traître dans une maison clandestine, de lui faire avouer son méfait et de l’exécuter.

A la libération de Paris, Holban prend la tête, avec le grade de commandant, du bataillon 51/22 de l’armée française, où sont regroupés les FTP-MOI survivants et de nouveaux engagés. Le bataillon sera dissous en juin 1945 et Holban rendu à la vie civile. Il rentre alors en Roumanie, où il devient rapidement colonel puis général de l’armée du nouveau régime communiste. Mais, juif et chef de la Résistance en France, il présente le parfait profil de la victime des purges lancées alors par Staline. Démis de toutes ses fonctions, il est envoyé travailler en usine comme technicien jusqu’à sa retraite. Vétéran du communisme roumain, il ne supporte pas le régime de Ceausescu, qui le lui rend bien. Et, en 1984, Holban décide de s’enfuir en France, où il vivra pendant dix ans comme apatride avant que l’on daigne lui accorder une carte d’identité. Finalement, il sera décoré de la Légion d’honneur, sous l’Arc de triomphe, le 8 mai 1994. Scène insolite : au centre de la place, entouré de tout l’apparat de la République, et alors que François Mitterrand lui agrafe la médaille, Boris Holban, que rien n’impressionne, entreprend une conversation avec le président à propos de… Soeur Hélène, dont les deux hommes ont utilisé les services pour s’évader vers la France. Une France qui, un demi-siècle plus tard, reconnaissait enfin les mérites de ce grand résistant ».