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Comme tous les ans, l’association des Amis de la Fondation de la Résistance a organisé, dans les Jardins du Luxembourg, le Mardi 30 Mai, son traditionnel  hommage aux lycéens et étudiants Résistants morts pour la France. A ce bel après-midi républicain présidé par Monsieur Gérard Larcher, Président du Sénat, étaient présents : le Recteur de la région académique Île-de-France, Recteur de l’académie de Paris, Chancelier des Université, la Directrice de l’ONACVG, le Maire du 6e arrondissement de Paris, le Président de la Fondation de la Résistance  ainsi que nombreuses autres personnalités liées à la mémoire de la Résistance.

Les élèves du collège Alviset, des lycées Janson de Sailly et Voltaire, du lycée professionnel Belliard et ceux de l’Institut National des Jeunes Aveugles ont récité quelques très beaux textes, comme cet extrait de « Et la lumière fut », de Jacques Lusseyran :

« Un vrai journal, en 1943, c’était un objet très précieux. Chaque ligne imprimée avait été arrachée à tant de courage et à tant d’adresse. Chaque ligne imprimée contenait la mort possible de tous ceux qui l’avait écrite, composée, passée sous les presses, transportée, distribuée, commentée. Il y avait du sang au bout de chaque page, et cela n’est pas façon de parler.

Défense de la France, ce titre annonçait une volonté patriotique. Cette volonté, nous l’avions. Pourtant notre journal était loin d’être nationaliste. Si nous défendions la France, c’est qu’elle était attaquée. C’est surtout qu’elle était menacée (nous le rappelions dans chaque numéro) d’une fin pire que la mort physique : la mort spirituelle. La tâche du journal, c’était avant tout le réveil des consciences.

Nous utilisions, pour opérer ce réveil, plusieurs moyens. Comme toujours d’abord, l’information.

En février 1943 par exemple, nous disions ce que personne sur le continent européen ne disait alors, à savoir que l’armée nazie venait de tomber dans un piège à Stalingrad et que, dans les ruines de cette ville, le sort de la guerre était en train de s’inverser.

Nous informions aussi les Français de faits terribles dont nous avions les preuves de jour en jour plus nombreuses, et que, sans nous, ils auraient soupçonné peut-être, mais n’auraient jamais connus. Nous disions comment les arrestations de la Gestapo avaient lieu, où elles avaient lieu, ce que se passaient pendant les interrogatoires. Nous dénoncions l’existence en Allemagne des forteresses politiques et des camps de concentration. Et ce fait, le plus incroyable de tous : l’extermination systématique des juifs à travers l’Europe. »

Ou encore des extraits de lettres de fusillés, comme celle d’Henri Fertet, né en 1926 dans une famille d’instituteurs. Alors lycéen à Besançon, il avait rejoint le maquis en été 1942. Sous le matricule Emile-702, il participa à plusieurs actions contre l’occupant nazi. Arrêté début juillet 1943, il est torturé et fusillé le 26 septembre 1943. Il recevra la légion d’honneur, la Croix de guerre 39-45 et la médaille de la résistance à titre posthume. Henri Fertet  avait 16 ans et reconnaît qu’il est dur de mourir et pourtant, il fit preuve de beaucoup de courage.

Sa lettre est une lettre d’amour, amour filial dont il prend conscience à cet instant, une lettre d’amour à sa patrie avec l’espoir d’une France forte dans l’avenir. Il n’a pas de regret sur les choix qu’il a fait dans sa vie, de son engagement. Dans un paragraphe, il règle ses dettes. cela peut paraître déplacé vu la situation, mais on peut l’interpréter comme le testament d’un homme qui sait qu’il va mourir. Sa main tremble : est-ce l’émotion, ou comme il le dit, est-ce parce qu’il a un petit crayon ?

La dernière lettre écrite par Guy Moquet a également été lue par les élèves du Lycée Belliard. Ils ont également évoqué l’engagement de Dora Brude.

Puis le Président du Sénat a adressé ce très beau discours à un public nombreux et attentif :

« Monsieur le Recteur,

Monsieur le Président de l’Association « Mémoire et Espoirs de la Résistance »,

Chers collégiens et lycéens,

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui dans ce Jardin du Luxembourg, non loin du Quartier Latin, pour rendre un hommage aux lycéens et étudiants morts pour faits de Résistance. Cette cérémonie, organisée par l’Association « Mémoire et Espoirs de la Résistance », s’inscrit dans le cadre de la journée nationale de la Résistance, instaurée par la loi de juillet 2013, le Sénat en est à l’origine.

En présence d’anciens résistants, de lycéens et collégiens, de professeurs, de tous ceux qui œuvrent pour la transmission des valeurs issues de la Résistance et je voudrais tout particulièrement saluer leur présence, nous commémorons cet idéal de la Résistance porté par ces jeunes filles et ces jeunes garçons qui n’hésitèrent pas à s’engager au prix de leur vie pour défendre la liberté. Commémorer, c’est faire mémoire ensemble, c’est rappeler la détermination de ces lycéens et étudiants qui, mus par des convictions profondes, se rassemblèrent dans le refus, celui de la défaite, celui de l’occupation, celui des atteintes aux libertés fondamentales, au nom des valeurs républicaines.

Ce refus du renoncement les habite dès juillet 1940 et leur donne la force de distribuer les premiers tracts au sein des lycées et des universités. Tracts qui appellent au recueillement sur la tombe du soldat inconnu, le 11 novembre. Maurice Schumann, qui fut sénateur du Nord, invite les Français à la radio de Londres à quelques gestes symboliques, je le cite : « En cette veille du 11 novembre, renouvelez sur les tombes de vos martyrs le serment de vivre et de mourir pour la France. »

Ainsi le 11 novembre 1940, plusieurs milliers d’étudiants et de lycéens, mais aussi des professeurs, bravant l’interdiction qui leur est faite de manifester, convergent vers les Champs-Élysées et vont déposer un bouquet de fleurs sous l’arc de triomphe au pied de la flamme qui brûle en souvenir de tous les soldats français tombés lors de la Première guerre mondiale. Venus de Janson de Sailly, de Buffon, de Condorcet ou de Carnot, les lycéens sont les plus nombreux parmi les manifestants. Vers 18 heures, la manifestation prend une tournure tragique ; des soldats allemands chargent pour disperser étudiants et lycéens, des coups de feu sont tirés. Une centaine d’entre eux sont arrêtés, certains sont blessés. Cette marche vers l’Etoile et la tombe du soldat inconnu, improvisée, demeure le symbole de la Résistance étudiante et lycéenne.

C’est cette volonté de résister qui pousse une partie des lycéens et des étudiants à soutenir les Forces françaises libres, cette part de la France incarnée par le Général de Gaulle qui représente l’espoir d’une libération prochaine, et celles et ceux qui poursuivent la guerre depuis Londres, l’Afrique ou ailleurs.

La lutte contre le Service du travail obligatoire instauré en 1943 fut déterminante et conduisit nombre d’étudiants à s’engager plus avant. Beaucoup d’entre eux prennent alors les armes dans les différents maquis de France. L’historien René Rémond, lui-même étudiant résistant, écrit « cette circonstance a beaucoup contribué à les jeter dans la Résistance active. Comme pour presque tous, il n’était pas question de se soumettre, il leur fallait disparaître dans la clandestinité ».

En réponse au ministre de l’éducation de Vichy, Abel Bonnard, des étudiants parisiens écrivent une lettre ouverte à Philippe Pétain, je les cite : « Notre attitude de résistance est parfaitement conforme à la doctrine de nos grands juristes aussi bien qu’à la morale de ces maîtres qui illuminèrent notre université parisienne. Il ne manque pas de forêts et de montagnes pour attendre l’heure où nous prendrons place dans les rangs de l’armée française pour participer à la libération nationale. »

Les étudiants rejoignent alors en masse les rangs de la Résistance. Ils s’y illustrent. Parfois des « moyens modestes et humbles » pour reprendre les termes du Professeur René Rémond, dans le renseignement, la distribution de tracts, la collaboration à des journaux clandestins, rappelant également que « dans ces activités nombre de nos camarades ont été repérés découverts, arrêtés, déportés ».

L’histoire de la résistance étudiante est faite de destins singuliers et tragiques dont nous nous souvenons aujourd’hui et auxquels nous rendons hommage.

Pierre Grelot, Jacques Baudry, Pierre Benoit, Lucien Legros, Jean Artus, les cinq martyrs du Lycée Buffon à Paris ont été parmi les premiers dans la Résistance universitaire. Ils n’ont pas encore 18 ans lorsqu’ils sont fusillés le 8 février 1943.

Quelques mois plus tard, le 25 novembre 1943, les soldats nazis et la Gestapo envahissent l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, rassemblant l’ensemble du personnel et les étudiants dans l’enceinte du bâtiment, incarcérant plusieurs centaines de personnes avant de déporter 130 membres de l’université.

Quelques jours avant la Libération de Paris, 35 étudiants des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique sont assassinés froidement, poussés d’un camion, tombant l’un après l’autre sous les balles d’une mitrailleuse dans l’allée qui borde la cascade du Bois de Boulogne.

Ce sont ces jeunes gens morts pour la liberté que nous honorons aujourd’hui en ce lieu si proche de la Sorbonne, non loin de la faculté de médecine et d’autres grandes écoles, ce monument voulu par Gaston Monnerville, Président du Sénat, lui-même résistant, monument près duquel nous sommes réunis aujourd’hui !

Maurice Schumann déclare à la radio de Londres, le 10 janvier 1942 : « Ce renouvellement -auquel nous pensons tous et que nous préparons tous- nous l’accomplirons, tous ensemble, dans la liberté et pour la liberté. Mais la liberté ce n’est pas seulement le droit de vivre à l’abri de l’agression, dans une communauté internationale organisée par la victoire. La Jeune France, dont les membres sont déchirés mais dont l’âme ne fut jamais plus unie, veut une victoire qui soit la bonne, c’est-à-dire non seulement la victoire du Bien, mais la victoire du Bien-être. »

Un texte qui demeure d’actualité !

C’est à vous, lycéens et collégiens ici présents, qu’il revient aussi de faire vivre cette flamme de la Résistance auprès de vos familles, de vos amis, de vos camarades de classe, dans vos engagements présents et à venir. Alors que les dernières voix résistantes s’éteignent, et je pense à Francis Deloche de Noyelle, jeune résistant du maquis du Vercors qui vient de s’éteindre, vous êtes l’avenir de notre pays, c’est à vous qu’il revient de reprendre ce flambeau.

L’esprit de service est aujourd’hui vivant comme en témoigne l’engagement de nombreux jeunes au sein de nos armées sur des théâtres d’opération difficiles, ou l’engagement de volontaires dans nombre d’actions humanitaires. Je pense à Julien Barbé, ce jeune caporal-chef du 6^ème régiment du génie d’Angers fauché le 6 avril dernier.

Je pense aux nombreux étudiants morts au Bataclan. Élodie, Kheireddine, Marion, Suzon, Hugo, Marie, Juan, Nohemi, Valeria, Nicolas, Matthieu, Alban… et je pense aussi à tous ces jeunes, ces enfants assassinés lors du dernier attentat de Manchester.

Pour les démocraties, rien n’est jamais acquis.

Vous avez encore, Mesdames et Messieurs les Professeurs, un rôle essentiel à jouer pour l’éveil des consciences. C’est là aussi la grandeur de votre métier et de la mission que vous confie la République.

Vous, étudiantes et étudiants, lycéennes et lycéens, ne vous soumettez jamais à l’obscurantisme sous quelque forme ! Restez toujours des hommes et des femmes libres, ne cédez jamais à la haine mais ne transigez jamais sur les valeurs de la République. Seul le combat vous permettra de rester dignes !

Oui pour que Vive la République !

et

Que vive la France

 

Puis de remercier et féliciter les élèves….. »